Les notions de temps et d'années en indo-européen expriment une idée
de quelque chose qui s'étend devant soi , qui avance devant soi :
-
Ainsi la racine «Temp» représente aussi bien des mots comme
temps et temporaire que temple et contempler :
temple est associé à la notion d'un espace ouvert pour l'observation du ciel ,
afin d'y lire les présages , contempler est associé à l'idée de rassemblement
(cum: avec , ensemble) pour observer en commun cet espace ouvert du ciel .
Cette racine peut ensuite se décliner en:
contemporain , longtemps , printemps (premier temps) , tempo , temporalité
ou aller vers des interprétations positives : tempérer , temporiser
ou des interprétations négatives : contre-temps , intempestif , tempête ...
ou techniques : température ..voire subjectifs : tempérament , obtempérer..
-
La notion d'année correspond aussi à une conception de quelque
chose qui avance , qui est en marche :
on la retrouve dans la racine At (Pokorny 69) , avec le mot sanskrit «atati»
(aller , marcher , avec un redoublement de la racine) , ou «annus» en latin
(qui s'écrivait d'abord atnus : année) , «perennis» (qui dure toute l'année)
qu'on décline en français avec :
an , année , annuel , annuité , annale , annuaire , pérenne , anniversaire (qui
revient chaque année) , décennie , septennat , quinquennat , biennale ,..
en connotation négative , on a suranné …
La deuxième racine est représentée par les mots anglais « year» (année)
ou allemand «Jahr» (année) et est symbolisée par Iero (Pokorny 506) ,
dérivée de la racine ei (aller , sortir) :
on la retrouve avec le grec oros (temps , année) , ora (saison , heure) , le
latin hora (heure) et en français :
heure , horaire , horloge , horodateur , horoscope (qui examine l'heure
de chacun) , ..
il y a aussi «lurette» ( «il y a belle heurette» abrégée en «il y a belle
lurette») ; du latin «hac hora » (à cette heure) s'en déduisent : or , ores ,
puis encore , de «illa hora » (à cette heure) on obtient : alors , lors , puis
lorsque ; dorénavant est la contraction de : «d'or en avant » (à partir de
cette heure) ,....
-
L'année se découpe ensuite en saisons :
Le terme de «saison» vient du latin satio (acte de semer) , qui
correspond initialement à la période favorable aux semailles : la saison
par excellence est le printemps (le « premier temps ») .
La racine , symbolisée par Se , Sei (Pok 889-891) , est encore représentée
par :
des mots en sem : semer , semailles , semence , séminaire , semoir , semis
parsemer , disséminer , séminal , insémination …
des mots dérivés de saison : assaisonner , assaisonnement , saisonnier ,
morte-saison , …
du latin sero (semer) et de l'adverbe sero (tard) nous viennent aussi des
mots en ser : soir , soirée , serein («tombée de la nuit») …
du hollandais Koolzaad (zaad : graine ; graine de chou) nous vient aussi colza
En anglais , s'en déduisent to sow (semer) , seed (graine) , season …
En allemand : Saat (graine ,semence) säen (semer) ,...
Le mot hiver se décline en français en hiverner , hiberner , hibernation ,
hivernage voire hiémal (d'hiver , assez inusité) :
on retrouve en sanskrit hima (hiver) , cheima en grec , hiems en latin , pour
une racine symbolisée par Ghei (Pok 425-426) : de cette racine et du grec
cheima (hiver) et chimaira (jeune chèvre ayant passé l'hiver)s'en déduit
aussi le mot chimère ( monstre à tête de lion , corps de chèvre et queue de
dragon) .
Notons que winter en anglais ou en allemand provient d'une autre racine
indo-européenne qui est symbolisée par Aue (humidité , Pok 78-81) , qu'
on retrouve dans water , Wasser (eau) , et vodka en russe: dans les pays
plus au nord , l'hiver est une saison très humide ...
Le printemps a une étymologie simple : c'est le « premier temps» de l'année
( cf ci-dessus l'étymologie de temps) .
Une autre racine indo-européenne pour printemps vient du mot latin du
printemps : « ver» ; s'en déduisent en français : vernal (printanier) ,
vernalisation , primevère (première fleur du printemps) , voire la Primavera
( course de cyclisme Milan-San Remo) .
L'été vient du latin aestas (été) , dans une série de mots comme aestus (chaleur
bouillonnement) , aestuarium (partie du rivage découvert par la marée) : la
racine , symbolisée par Aidh (Pok 11-12) , exprime l'idée de chaleur , de
bruler ( cf grec aitho : bruler et sanskrit edhas , bois de chauffage) : de là
proviennent en français éther , estuaire , estival , estivant , et Etna …
A propos de l'été , on peut signaler que le mot «briller» n'a pas de racine
indo-européenne : il vient de «béryl» , en provenance de la ville de Velur
dans le sud de l'Inde (actuellement Bélur) d'où l'on commercialisait de telles
pierres ...
Quant à automne , De Vaane écrit : on ne peut pas en reconstruire d'étymologie
indo-européenne … le mot provient sans doute de termes hérités d'un
langage antérieur ( peut être étrusque , ou ligure , ou plus largement
méditerranéen comme le sarde …) ; pour illustrer ces difficultés , donnons une
série de mots signifiant automne dans diverses langues :
Herbst (allemand) , sanskrit sarad (saison du froid) , oporinos en grec (temps
des moissons tardives) , vjeshta comme racine slave (temps des moissons
tardives) : guère de similitudes ...