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Etymologie : "Raison" , sa famille et ses dépendances

Etymologie : Raison

 

Le patriarche latin est Ratio ( calcul , compte , raison ) , le grec est Arithmos ( nombre , compte ) , en celtique on trouve "rim" ( nombre en vieil irlandais) pour une racine indo-européenne "ra" ou "ar" ( phénomène d'inversion des lettres fréquents : métathèse ) , ou plus généralement "r + voyelle" ou "voyelle + r" ( pour signifier compte , ajustement , action adaptée )

1 ) Le verbe référent latin qui est reor ( compter , penser ) , dont le participe passé donne ratus (compté , fixé , pensé ) ; les descendants en français sont "ratio" , "pro-rata" , qui se réfèrent à la notion de dénombrement , puis raison , rationnel , rationalité , ratifié , ratification , etc ..

L'inversion des lettres donne une racine en "ar-t" où les notions de compte , d'ajustement se retrouvent dans "arithmétique" ( grec arithmeo , compter ) , logarithme ( logos + arithmos) , puis dans "art" ( latin ars , artis : ajustement , ajustement avec art , grec artisis : ajustement ; artios : bien ajusté , parfait) , et artisan , artistique , artifice , artificier , artillerie etc..

Mal ajusté s'est retrouvé en "in-artia" puis "inertie" et inerte .

Les notions d'ajustement , puis d'assemblage , de jonction , se retrouvent ensuite dans une série de mots comme :

articulation , article , articulé ( grec arthron : jointure , articulation ) , arthrite , et même "orteil" ( "arteil" en ancien français pour désigner l'articulation appropriée du pied )

 

2 ) de la notion d'articulation , le sens a évolué vers la notion de "membre" avec la racine "ar-t" (latin artus : membre) , puis "ar-m" : arm en anglais , Arm en allemand ( bras) ( armus : épaule , clavicule en latin , armos : assemblage , jointure en grec ) , puis avec le prolongement du bras , on est passé à "arme" , armature , armée , armistice , armure , armoirie , armoire ( latin armarium : meuble de rangement des armes ) , armada , gendarme , gendarmerie , etc

La racine "ar-m" avec son sens initial d'ajustement , de juste proportion , se retrouve également dans ;

Harmonie ( grec armonia : assemblage en juste proportion ) , harmonieux , harmonique , etc

 

3)Une variante avec la voyelle "i" a donné des racines en "r i" ou "ar i" que l'on retrouve par exemple dans :

rite ( latin ritus : coutume , usage , habitude) , rituel , ritualité et ir-rité , irritable , irritation ( pour ce qui n'est pas dans les bons usages , le "in"privatif s'étant transformé en "ir" pour des raisons d'euphonie ) , etc

Aryen ( arya en sanskrit : noble , parlant le sanskrit ) , aristocrate ( aristos en grec : le meilleur , le plus "ajusté" avec les coutumes , les moeurs ; cf aussi ci-dessus artios : bien ajusté , parfait ) , Aristote , Aristophane , Aristide , etc

4)Restent les variantes avec la voyelle "o" , et des racines en "or" ou "ord" que l'on retrouvent dans :

ordre , ordonner , ordinaire , ordination , ordonnancement , ordonnance , ordonnable , désordonné , coordonner , coordination , subordonné , primordial , extraordinaire ,etc.... (latin ordino : ranger , mettre en ordre , ordinarius : conforme à la coutume )

orner , ornement , suborner ( latin orno , contracté à partir de ordino , dont le sens premier est disposer , ranger )

 

 

Cette analyse étymologique peut ensuite nous amener à un certain nombre de questions , dont celle-ci , par exemple : En quoi l'étymologie nous renseigne-t-elle sur les modes de pensées qui ont prévalu lors de l'individualisation des mots concernés ? On a des indices , des pistes de recherche , encore faut-il les relier .

Prenons les mots les plus courts , ceux qui ont subi le moins d'évolution (sans les préfixes ou les suffixes qui en altèrent le sens ) :

il y a la piste "rim" ( nombre) en celtique , "ratio" (calcul au sens originel ) en latin , qui se réfèrent à une notion de compte , d'énumération , qui reste d'interprétation directe : on a besoin de compter quelque chose .

La piste "ars" ( ajustement , manière d'assembler , au sens premier en latin) , "ordo" (ordre , rangement ) , se réfère à une manière de ranger des éléments ( une fois comptés , éventuellement )

Cet aspect des choses a du être apprécié puisqu'à partir de là , on n'a que des qualificatifs positifs ou neutres : art , artiste , artisan , artistique , ou articulation , articulaire , orteil ( neutre au niveau psychologique ) , ordre , ordinaire , ordonnancement , etc

La piste "arm" a donné "armus" ( épaule , clavicule ) , arm et Arm (bras en anglais puis en allemand) , "irma" ( bras en sanskrit) , ce qui donne peut-être une indication de la manière de procéder pour compter ou pour classer ( on dirigeait les opérations avec les bras )

La piste "rit" avec "ritus" en latin (usages , habitudes) , "irritus" , semble témoigner de ce qu'on aimait les bons usages , et que les mauvais usages devenaient vite l'objet d'irritations , d'énervements

 

En résumé , pour arranger , classer ajuster , il fallait d'abord compter les éléments concernés , puis les mettre dans un ordre ; le bon ordre semblait apprécié et être "harmonieux" (armonia en grec ) , "artistique" , le désordre plutôt sujet "d'irritations" ou "d'inertie" ( in-artia puis in-ertia ) , ce qui somme toute fait partie d'une organisation de la pensée assez classique .

Tout ceci étant fait , on a pu ensuite réfléchir et penser en terme de ratio , rationalité , rationalisation , pour éventuellement mieux organiser et gérer les différentes tâches à accomplir .

 

  1.  

     

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    Premier matin

    L'esprit au petit matin

    est si léger et si fragile

    si délié et si subtil

    qu'il pourrait danser sur un fil

    et s'envoler du bout d'un cil

     

    C'est une empreinte dans l'argile

    comme un souvenir volatil

    que la pénombre dans ses plis

    révèle , qui du jour s'enfuit

     

    C'est entre nos doigts malhabiles

    une lumière qui oscille

    c'est un arc -en-ciel suspendu

    à vibrer dans le jour ténu

     

    C'est le chant d'un oiseau cristal

    qui d'un souffle effleure le banal

    pour le plonger dans un essor

    sans limite aux bords des aurores                          Mars 2018

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    Alain Badiou : éloge des mathématiques (publié en 2015 collection "champs , essais" )

    A travers la problématique du monde contemporain , Alain Badiou donne une estimation de l'évolution de la philosophie : pour lui ,une philosophie se doit de tenter d'analyser et de comprendre le monde sur une base la plus large et la plus exigeante possible , au plan des connaissances comme sur celui de la cohérence .

    La philosophie se doit de tenter cet effort d'organisation , par une construction d'une "métaphysique" structurant la "physique" des phénomènes collectés au cours de l'analyse , de l'enquète .

    Cette enquète se doit de porter sur les 4 domaines perceptibles dans nos quotidiens : les domaines des sciences , des arts , de la politique et de l'amour .

     

    Mais comment structurer cette réflexion et les raisonnements qui la portent ?

    Les premiers efforts vers une organisation logique de la pensée sont observables chez Parménide ( environ -520 , - 450 aJC ) , sur des bases de logiques mathématiques largement établies par des prédécesseurs comme Thalès ou Pythagore . Dans sa dialectique entre l'Etre et le Non-Etre , d'où il déduit par une sorte de raisonnement par l'absurde que , l'existence du Non-Etre débouchant sur des contradictions , seul l'Etre est , Parménide donne un des premiers exemples d'une argumentation serrée sur le plan logique .

    Si Kant fait naître les Mathématiques avec Thalès (-570 , -495 aJC) , Badiou porte la philosophie sur les "fonds baptismaux" avec Parménide , puis son essor avec Platon (-428 , -348 aJC) , et rappelle que la devise inscrite sur l'entrée de son école était :

    " Que nul n'entre ici s'il n'est géomètre "

    Dans ce "siècle d'or" de la civilisation grecque qui suivit les batailles contre les Perses ( Thermopyles , Marathon , Salamine ) , une véritable explosion culturelle se manifesta dans les cités , tant du point de vue artistique que politique ou rhétorique :

    Dans "l'euphorie" ambiante ( vite douchée par les désastres de la guerre du Péloponnèse ), deux types d'Ecoles se firent face : Socrate et Platon , d'une part , défendaient les principes d'une réflexion fondée sur la rigueur "géométrique"de l'argumentation , les sophistes de l'autre se présentaient comme des professeurs de rhétorique affermissant les capacités de leurs adeptes dans les joutes oratoires où tous les arguments étaient bons pour l'emporter .

     

    Cette époque grecque revient comme un boomerang sur notre monde contemporain : la politique ne semble plus que le théâtre d'affrontements rhétoriques où des professionnels s'affrontent dans des joutes électorales , où les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent .

    Notons un point que Badiou n'aborde pas , à savoir que le discours syndical est aussi un discours politique , portant lui aussi sur l'organisation générale de la cité ( ce qui va sans dire va encore mieux en le disant ) .

    Qu'observe-t-on à l'issue de ces débats où l'on manie tout autant la rhétorique que la phraséologie , où le fond disparaît de plus en plus devant la forme ?

    Sitôt terminés , on replie les "programmes" aux contenus souvent évanescents , et on passe au concret , c'est à dire à peu , très peu , le maintien d'un statu quo aux équilibres de plus en plus précaires ..... La politique médiatisée se réduit comme peau de chagrin à de la rhétorique "sophistiquée" , c'est à dire de sophistes ....

     

    Badiou propose de refonder la réflexion et la philosophie sur le terrain de ce qu'elle a toujours été depuis Platon jusqu'à Descartes , Spinoza , Kant et tant d'autres : une réflexion rigoureuse et précise , portant sur l'ensemble des activités des citoyens , englobant le champ des sciences et des mathématiques en particulier pour restructurer des raisonnements qui paraissent en avoir bien besoin. Badiou rappelle d'ailleurs que Kant estimait que sans le raisonnement fondé sur une organisation logique et mathématique , la philosophie n'existerait pas :

    c'est cette logique qui est la pierre de touche essentielle , quasi ontologique , qui distingue la philosophie de la sophistique .

    Dans des débats échevelés où l'on sait tout sur rien et rien sur tout , la philosophie générale des propos passe hélas de la philosophie à la sophistique , jouant sur tout ( émotion , oppositions catégorielles , diatribes diverses , etc ...mais surtout pas du fond , en évitant soigneusement la cohérence des arguments ).

    Badiou rappelle aussi les conceptions de Spinoza sur le plan de la connaissance :

    le premier stade de la connaissance est celui où il y a imbrication de connaissances sensibles et d'imagination , soit "l'ignorance ordinaire" , où l'exigence de preuves cède la pas au récit et à la pensée magique , aux approximations et impostures de toutes sortes .

    Le deuxième est celui d'une connaissance conceptuelle ordonnée , où la pierre de touche est la raison et la cohérence des propos , où l'on démontre point par point ce qui est avancé . On ne peut pas faire l'économie de ce stade , sous peine de rester dans la pensée magique .

    Le troisième stade , enfin , est celui du dépassement du précédent , pour aboutir à une conception plus globale des réalités où l'intuition peut "tutoyer" la complexité du monde .

    Débordons là des propos de Badiou et Spinoza : ce troisième stade de la connaissance évoqué est un stade où il y a convergence entre beaucoup de vrais penseurs ; par ordre chronologique , c'est par exemple celui d'un des yogas de L'Inde , le "jnanayoga ( le yoga de l'exercice de l'activité mentale ) , qui pour les indous permet de tendre à l'unité spirituelle du monde ; c'est celui de Socrate , qui après avoir exercée son activité mentale à démolir consciencieusement les postures des sophistes de tout genre , accède par "la connaissance de soi-même" à une connaissance plus intime des rouages du monde et au tutoiement avec son "daimone" ;

    C'est encore la position de grands mathématiciens que furent Pascal , Descartes , Leibniz , qui après avoir soumis toutes appréciations au crible de la raison , dépassent ce stade pour tendre vers "l'hypothèse Dieu" ; c'est aussi , malgré les réserves exposées par Badiou , le cas de Wittgenstein , qui termine son analyse serrée développée dans le "Tractacus logico-philosophicus" par :

    " Mes propositions sont des éclaircissements en ceci que celui qui me comprend les reconnaît à la fin comme dépourvues de sens , lorsque ... passant par elles , il les a surmontées ( il doit pour ainsi dire jeter l'échelle après y être monté .) . Il lui faut dépasser ces propositions pour voir correctement le monde "

    " Sur ce dont on ne peut parler , il faut garder le silence" ( c'est à dire que lorsqu'on arrive au troisième stade , où bien ce que l'on voit est inexprimable – ce que dit Socrate – ou bien que toute forme de vision globale est essentiellement personnelle et ne peut en aucun cas faire l'objet des proclamations grandiloquentes d'intégrismes quelconques – ce que dit également Socrate , en se refusant d'affirmer des positions personnelles et en disant qu'il ne sait rien )

    Rappelons ici que "panorama" veut dire étymologiquement : "pan" ( tout) , orao ( voir) , soit un point d'où l'on peut voir dans toutes les directions , un point de visions globales .

     

     

    Ce que disent finalement Badiou et tous ceux qui sont cités , c'est que dans des époques de dégénérescence de la pensée "cohérente" , il est grand temps de revitaliser les exercices de pensées par la pratique de la raison "cartésienne" , sous peine de rester dans les pensées magiques et les impostures , les rumeurs , les sophismes : entre contes , récits , légendes......et mécomptes , il n'y a pas de distinction ( dans les trois sens du terme ) .

    ( je reviendrai de façon plus détaillée sur l'argumentation de Badiou en faveur de la logique "mathématique" dans une autre partie )

     

     

     

     

     

     

     

     

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    Confession : Confessional

        François de Sales : Là où il y a de l'homme ,  il y a de l'hommerie

                                       le bruit fait peu de bien ,  le bien fait peu de bruit

     

                                             Fétichisme ou Panurgisme

                                                 Aller de Charybde en Scylla

                                                      aller de Charybde en cela

                                                           qu'à trop en faire par mimétisme ,

                                                                 qui veut faire l'ange fait la bête

     

    Où la raison n'est plus , il reste à résonner

    sur des caisses à vide , avides de sonner

    et sur des litanies où la vie s'est enfuit

    sur des cloches creuses à ragots et à bruits

     

    En ces lieux où l'élan est toujours plus pesant

    l'horloge fatiguée de l'unique tic-toc

    traîne lamentable son ennui en breloque

    En ces lieux plus on parle et où moins l'on entend

     

    Temples confessionnaux noirâtres sont vos eaux !

    Quand l'horizon n'est plus il reste les noyaux

    durs à se contracter et chanter des slogans

    et à se contempler en fétiches pensants

     

    Combattant fake news en l'instaurant eux-même

    où l'on ne compte plus à trop savoir qu'on l'aime ,

    de pose en jeu de rôle , de factice en sectaire

    Compte déboussolé de nord d'apothicaire

     

    Le bruit fait peu de bien , le bien fait peu de bruit

    Tibet qu'ils sont légers tes drapeaux dans le vent !

    Aspirer aux échos du murmure ondoyant

    où l'air en ses frissons raisonne d'harmonies …                   Mars 2018

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    De Bergson à LaoTseu : les illusions de l'intellect

     

    Bergson , 1er prix du concours général de mathématiques en 1878 , 2eme de l'agrégation de philosophie en 1881 ( 3eme Jean Jaurès) , semblait bien armé pour devenir un adepte de la raison raisonnante . Cela n'a guère été le cas , et il a plutôt développé une philosophie axée sur la spiritualité .

    L'intellect est un processus qui vise essentiellement à établir des frontières pour faire apparaître des concepts , des catégories , sur lesquels se fonde un raisonnement . L'intellect est du domaine de l'analytique , à partir duquel on peut tenter de réaliser des synthèses . Or les domaines de l'esprit ne sont pas des domaines qu'on peut couper en petits morceaux : ainsi , toute une partie de la vie n'est pas réductible à ce mode de fonctionnement analytique , et échappe à l'intellect .

    De plus , même en estimant pertinentes les frontières établies pour délimiter les catégories , en recollant des fragments provenant de l'analyse , on ne peut pas nécessairement reconstituer l'objet étudié : on obtient plutôt un costume avec une manche trop longue , un revers trop court , un col disproportionné , etc ... , en oubliant par la même occasion les interactions qui peuvent exister entre les différents éléments du tout , ce qui fausse encore un peu plus la représentation obtenue.

    La philosophie spiritualiste de Bergson a plusieurs point communs avec celle de Lao Tseu :

    Les "contraires" sont des concepts "intellectuels" sans véritable fondement , "assumer ses contradictions" est du pur domaine spéculatif , la vie est animé par un élan créateur que l'un et l'autre  se gardent bien de vouloir anthropomorphiser , les phénomènes sont à entrapercevoir de "l'intérieur" par une vision intuitive , et non de "l'extérieur" en faisant des projections et des moulages de ceux-ci , qui les figent , les "momifient" .

    Un premier exemple pour illustrer la difficulté d'exprimer par des catégories ( ici par des mots) une situation donnée : supposons qu'entre deux principes différents A et B vous soyez convaincus que c'est par une pondération de A et de B que vous devrez vous conduire , disons 54,31% de l'un et 45,69% de l'autre . Comment allez-vous exprimer cela avec des mots dans le contexte général des situations que l'on peut rencontrer ? Cela paraît strictement impossible , et vous direz que vous assumez vos contradictions , sans pouvoir préciser avec une précision générale quand vous opterez pour A ou pour B : ainsi , dans les catégories du langage , certaines situations sont inexprimables par des mots "extérieurs" , seule une compréhension qui vous est intérieure peut les apprécier et est pratiquement incommunicable avec un degré de précision complet .

    Sans compter , comme le dit Montaigne , que je ne suis pas toujours d'accord avec moi-même , et que mon choix du principe A , au lieu d'être à 54,31% , peut varier dans une gamme allant de 50% à 60% !...Lao Tseu exprime bien cette difficulté de l'intellect en disant :

    " ne pas savoir , c'est savoir , voilà l'erreur ; savoir , c'est ne pas savoir , voilà l'excellence" : figer dans des concepts absolus les situations ne permet pas d'en apprécier l'élan , la capacité créatrice.

     

    Mais comment apprécier les situations "de l'intérieur" , plutôt que de les "juger" "de l'extérieur" ?

    Bergson fonde ses conceptions sur l'intuition : cette compréhension des phénomènes est une compréhension par identification , globale , sans jugement , c'est le pouvoir de l'esprit d'appréhender immédiatement les phénomènes .

    C'est le non-agir , le non-juger de Lao-Tseu , le non-penser , le non-projeter : on pourrait dire le lacher-prise , l'abandon des écrans préfabriqués qui nous environnent , des prothèses qui nous aident à "penser" , le retour à une vision directe désencombrée des codes , des signaux mal maîtrisés ; il s'agit de dé-couvrir ce qui est recouvert d'un flot de pré-jugements , un peu à la façon dont Socrate nous enjoint de retrouver la connaissance instinctive qui est en nous et que tout un amalgame d'habitudes , de commodités , de tabous , nous empêche de percevoir : c'est un élargissement , une ouverture de la conscience , il s'agit de passer de "couvrir" à "découvrir" et à "ouvrir" .

    Il s'agit aussi de redécouvrir l'élan spontané des phénomènes et de ne plus se contenter des images , des clichés entourant ceux-ci : puisque l'intellect nous façonne des photographies discontinues des situations en isolant les instants les uns des autres , il convient d'essayer de retrouver une vision "continue" , globale , des évènements .

    L'intellect , par l'établissement de frontières entre les catégories qu'il édifie , atrophie nos sensations : il s'agit de retrouver le plein usages de celles-ci ,  d'en retrouver la force créatrice ( comme différentes pratiques artistiques peuvent nous y convier , à condition d'être aussi libérées des "modes" , des "modelages" , des expressions préfabriquées )

     

    Sur quels aspects sur notre façon d'appréhender le monde cela débouche-t-il ?

    Un de ceux-ci est ce que Bergson appelle le "regard rétrospectif" que nous portons sur le passé :

    Nous sommes devenus de plus en plus "forts"  pour prévoir le passé , en édifiant des lignes directrices qui partent d'autrefois pour arriver jusqu'à nous ; les autrefois sont précurseurs de notre présent en ce sens qu'ils annoncent notre présent .......... si ce n'est , dit Bergson , que ces lignes directrices sont purement fictives ; elles sont tellement fictives , dit-il , que lorsque nous tentons de les prolonger , nous n'arrivons à rien , l'avenir est tout aussi imprévisibles que les lignes directrices du passé jusqu'à nous étaient imprévisibles à leurs époques .

    Toute évolution est intimement liée à des processus créatifs , aucune création n'est prévisible , ne se fait en pronostiquant qu'à tel moment , en appuyant sur tel bouton , on la fera apparaître :

    pour reprendre une comparaison biologique , à un stade de créativités donné , tout écosystème conduit à son stade d'équilibre , à son climax social , et on peut toujours tenter un stade de créativités donné de prévoir son point d'arrivée , l'équilibre entre toutes ses composantes , sa "moyenne" ; mais il est impossible de prévoir , aujourd'hui comme dans le passé , quand une création d'importance se produira  qui donnera ( ou a donné ) une impulsion nouvelle aux systèmes en place : le "pré-romantisme" n'a jamais existé , le romantisme est une pure invention créative qui n'a pas eu besoin de signes précurseurs .

    En bref , l'élan créatif du monde ne se laisse pas endiguer par les concepts de l'intellect .

    Pour reprendre une comparaison des sciences , tout élan ( tout mouvement) a besoin pour se réaliser d'une "différence de potentiel" entre deux sources : que l'on appelle "yin" , "yang" ces potentiels , que l'on appelle Tao ou Nature cet élan , ou de tout autre vocable , il y a une unité derrière les conceptions de Bergson et LaoTseu . Cet élan , la Nature , le Tao , est un jeu spontané de forces créatrices , et l'illusion de l'intellect de pouvoir appréhender ces phénomènes est parfois aussi vain que notre capacité à prévoir l'avenir et le passé !

     

     

     

     

     

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