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Héraclite et Socrate , premiers adeptes de la "critique de la raison pure"

 

Ηéraclite vécut vers -540 à -480 , Socrate vers -470 à -399 .
Pour rappeler le contexte historique , la bataille de Marathon contre
les Perses eut lieu en -490 (Héraclite avait environ 50 ans) , et
Périclès dirigea Athènes de -461 à -431 (Socrate avait alors de 10 à
40 ans environ) ; il mourut en -429 après le déclenchement de la
guerre du Péloponnèse contre Sparte , guerre qui consacra la défaite
et l'effondrement d'Athènes en -404 .Socrate fut condamné et mourut
en -399 .

 

L'aube de la raison raisonnante a été instituée par les Sophistes en
Grèce vers les années -430 -400 avant notre ère : ces derniers , au
nom de cette raison raisonnante , se faisaient fort de démontrer tout
et son contraire et estimaient  , puisqu'on pouvait avec des arguments
bien affutés démontrer à peu près tout ce qu'on voulait , que ce qui
importait était à peu près uniquement de convaincre ses interlocuteurs
dans les joutes oratoires ou électorales . Ils étaient ainsi des
initiateurs de méthodes qui ont largement fait florès depuis , dans
de nombreux cercles ( cf Schopenhauer et "l'art d'avoir toujours
raison" ) , et qui se sont "perfectionnées" de nos jours dans les
multitudes d'annexes de la "comm" et des "effets d'annonces" .


 
pour Héraclite , les mises en garde dans ce domaine peuvent être
situées dans les aphorismes de référence suivants ( les numéros cités
renvoient à la classification de Diels ) :
No 47 " Sur les plus grandes choses , ne faisons pas de conjectures
à la légère " ( traduction M. Conche)
et le  No 40 : " Une grande érudition n'enseigne pas l'intelligence ,
sinon elle l'aurait donné à Hésiode et Pythagore , .."(trad. J Brun)

Une grande érudition n'enseigne pas l'intelligence , mais elle
permet , conjuguée avec un art rhétorique maîtrisé , d'occuper tout
au moins l'espace du discours , de "marquer son territoire" , et
d'empêcher le ou les autres interlocuteurs d'exprimer leurs points
de vue ..C'est bien ce que nous voyons de nos jours dans maints
"débats" ..
La force de Socrate aura été de prendre les sophistes et autres
rhéteurs à leurs propres jeux , et d'utiliser la raison raisonnante
pour démolir les fausses argumentations de ceux-ci .
Mais Socrate n'est pas un sophiste , il s'arrête là dans son
argumentation et ne va pas jusqu'à "prouver" toutes les fantaisies
qui pourraient lui passer par la tête ( dans ce domaine , Socrate
aurait été très imaginatif , nul ne peut en douter , mais il s'est
toujours refusé à s'engager dans cette voie ) . Les mises en garde
de Socrate sont nettes :
"nous ne percevons de la réalité que l'ombre sur la paroi de la
caverne où nous nous trouvons " et il fait siennes les deux maximes
gravées sur le fronton du temple de Delphes :
" Connais-toi toi-même " et " Rien de trop "
"Rien de trop " : pas d'inflation verbale et de démesure dans les
 propos , dans la conduite , dans les conclusions...
"Connais toi toi-même " : sache trouver par toi-même tes propres
valeurs et ne te contente pas de réciter le "catalogue" de ce qu'on
t'as appris à plus ou moins bon escient , avec plus ou moins bon
escient....  

 

Le logos d' Héraclite et de Socrate , et son devenir .
Après les années -400 avant notre ère , le terme "logos" a pris
les acceptions quasi exclusives de "parole" et de "raison" :
c'est devenu le "discours" argumenté et structuré par la logique ,
et la perception logique du monde vue à travers des procédés de
classifications , de structure et de catégories (la raison) .
En français contemporain , la racine se retrouve  dans des termes
comme "logique","éco-logie" , "cardio-logie","bio-logie", géologie,
mycologie , etc ...., ou pour des termes de discours : monologue ,
dialogue , logorrhée ("le discours qui court"), etc ...
La perception analytique et fragmentée du monde a pris le dessus sur
une perception plus globale et synthétique , on a "coupé en tranche"
la réalité pour en faire ensuite des synthèses , comme si à partir
de "tranches" isolées on pouvait reconstruire la vie , comme si à
partir de photographies de la réalité on pouvait redonner vie à
cette réalité ; on a ainsi confondu le modèle reconstitué de cette
réalité avec la réalité elle-même , comme Marie Shelley a pu le
faire apparaître avec Frankenstein .
Citons à ce propos Descartes , qui n'a pas toujours dit ce qu'on a
voulu comprendre :
"prenons par exemple un triangle , chose apparemment très simple et
que nous pouvons apparemment égaler très facilement ; nous sommes
néammoins incapable de l'égaler .
En effet , à supposer même que nous en démontrions tous les attributs
que nous pouvons concevoir , il viendra peut-être dans mille ans un
mathématicien qui y découvrira davantage de propriétés, si bien que
nous ne sommes jamais certains d'avoir compris tout ce qu'il était
possible de comprendre en cette chose .
Et l'on peut faire la même remarque à propos de toutes les autres
choses " (Entretien avec Burman , texte 8 , Puf )
Ainsi le "modèle" réalisé ne donnera jamais l'assurance de sa
"plénitude" et ne sera jamais qu'un reproduction partielle de cette
réalité .

 

L'utilisation abusive de cette logique est ce qu'on appelle la
"raison raisonnante" , qui se fait toujours fort de démontrer
un peu n'importe quoi  , avec autorité cela va de soi , comme un
regard rétrospectif sur les sciences des temps passés nous en offre
tant d'exemples ..
Ce virage s'est pris essentiellement vers ce moment de -430 à
-400 ans avant notre ère , le logos était avant cette date beaucoup
moins catégorique et catégorisant .
Qu'est-ce que le "logos" pour Héraclite ?
On peut tenter d'expliciter la signification de ce "logos" ancien
en disant que c'est l'esprit ou principe universel qui anime le
monde , qui guide le monde dans son évolution, le conduit vers sa
réalisation , l'esprit omniscient qui "comprend" tout (dans les 2
sens du terme) ; citons les aphorismes :
No 1 (pour partie) " toutes les choses arrivent suivant le logos"
No 72 p.p."le logos qui gouverne le monde"
No 2 p.p. "bien que le logos soit commun à tous , la plupart des
hommes vivent selon leurs réflexions particulières"
No 45 "tu ne saurais atteindre les limites de l'âme , aussi loin
que te porte ta route , tant est profond le logos qu'elle abrite"
Le logos est dans tout , est partout , c'est l'esprit qui
s'adresse à Socrate (son "daimon") lorsqu'il est dans ses phases de
conscience aigüe , c'est cet esprit de conscience globale qui dépasse
l'intelligence mentale de l'homme segmentant la réalité , la
fractionnant par petits bouts et la parcellisant en catégories .
Ce logos ancien est indissociable de la spiritualité , que ce soit une
spiritualité prêtée à une entité agissant sur le monde , ou la
spiritualité propre à l'homme ,  contact entre l'Esprit et la
conscience individuelle .
Ce logos ancien se retrouve en partie dans notre vocabulaire
contemporain sous d'autres racines et vocables , comme le "Verbe" ,
"l'Esprit" , mais cette racine ancienne et première , en perdant
vers -400 ans avant notre ère cet aspect spirituel , a vu son centre
de gravité glisser un peu plus du "Verbe" à la "Verbologie" et à la
"raisin raisonnante" , que Descartes d'ailleurs appelle à utiliser
avec  précaution (cf la citation ci-dessus) .
Cette disparition de la dimension spirituelle du logos s'est alors
accompagnée des emballements du discours et de la "raison
raisonnante" développés pas les sophistes , emballements d'autant
plus légitimés que si tout est prouvable et que toute vérité devient
relative , il n'y a plus vraiment à avoir de problème de conscience :
la seule chose qui compte est d'obtenir une majorité dans une
discussion ou un débat , et de se faire élire .
Les Athéniens avaient accompli la démesure dénoncée sur le temple de
Delphes ("Rien de trop") par cette emphase phraséologique et
perdirent une bataille décisive en Sicile en -413 puis la guerre du
Péloponnèse en -404 ... les Spartiates ayant continué à garder les
pieds sur terre .

 

La suite est connue : l'assèchement du spirituel "traditionnel"
conduisit d'une part au remplacement de ce spirituel par un spirituel
de substitution venu du Moyen-orient et le développement progressif
du Christianisme ; d'autre part l'évolution du logos vers la raison
pure contribua largement à libérer la connaissance scientifique des
pressions des superstitions , avec deux extrêmes qui ont continué à
se déployer : la raison "rigoriste" , l'orthodoxie de la pure ligne ,
qui a connu plusieurs défaites dont la plus sévère avec la
démonstration du théorème de Gödel dans les années 1930 ( un système
logique "suffisamment cohérent" ne peut pas tout démontrer ) ;
d'autre part la permanence d'une "sophistique" qui croit pouvoir s'en
tirer avec des discours de pures formes dont le seul but est
électoraliste .
Mais bien que Descartes ait été abusivement inféodé à un
"cartésianisme" pur et dur ( cf ses réticences à cet emploi dans la
citation du dessus) , la critique de la "raison pure" s'est aussi
bien propagée , tant avec Montaigne que Kant et Gödel , et s'est
installée en position à priori déterminante dans le domaine
scientifique où on considère de plus en plus qu'un modèle n'est
qu'un modèle , et qu'il a vocation à être remplacé un jour par un
autre modèle plus adapté : la citation précédente de Descartes est
de mieux en mieux comprise ...   

 

 

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"intelligence" ou lucidité


 "intelligence" ou lucidité                  Héraclite,fragment 18 :
  récitation ? compréhension ?          Sans ouvrir la conscience ,
  image ou imagination ?                   tu ne dé-couvriras pas d'au-delà
  modélisation ? création ?  


  affichage pour toute mode
  proclamations de foi pour code ?
  ou bien temps de recul sincère  
  d'un regard décillé qui erre ?
                                     

  magie de s'écouter soi-même
  en arbitre des élégances
  du supérieur au plus suprême ,
  en grandioses grandiloquences ?
                                   


  ou bien s'interroger soi-même
  au devenir de ce qu'on sème ,
  être l'infinitésimal
  embrun empli de sidéral ?


  être l'ersatz au vent qui danse
  de péremptoire en périmé
  d'importance en importuné
  de réflections en redondances ?  
                                   

  ou bien entrouvrir la conscience
  et s'ouvrir à l'inconnaissable ,
  de la mer être grain de sable
  qui n'a de science que préscience ?


  être de fantasmagories ,
  préjugé pour tout jugement ,
  ribambelle pour théorie
  en queue leu leu pour tout instant ?
                                    
                                   
  Savoir être persévérant
  attentif au jeu des jusants ,
  aux filigranes de leurs eaux ,
  à l'imperceptible des flots
                                   

  Etre lumière en des marquises
  se prenant pour un arc en ciel ?
  Etre léger quand une brise
  vient à jouer d'une étincelle .

 

Fragment 18 d'Héraclite :                                   
18. Sans l’espérance, vous ne trouverez pas l’inespéré qui est
introuvable et inaccessible.(traduction de Tannery)
18. Si on n'espère pas, on ne trouvera pas l'inespéré; car on
ne peut le chercher, il n'est pas de voie vers lui.
(traduction Simone Weil)
18. Si tu n'espères pas , tu ne trouveras pas l'inespéré qui est
scellé et impénétrable .(traduction Jean Brun)  
18 Sana ouvrir la conscience , tu ne dé-couvriras pas d'au-delà ,
qui restera inaccessible .(traduction personnelle)
elpis (Chantraine : attente , espoir) ; elpomai:attendre,espérer                                
                            

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faire et agir en indo-européen

Ces concepts s'expriment suivant différentes nuances dans les langages
indo-européens ; nous retiendrons ici essentiellement les étymologies
préconisées par Pokorny , en ne retenant qu'une dizaine de racines
principales , avec leurs applications en français (ou en anglais) .

 

1) la première racine , la plus cachée , est celle qui correspond au
français "authentique" : c'est une racine -ent , ici précédée du
préfixe grec auto-(par soi-même) , qui confère au mot authentique
le sens primitif de "réalisé par soi-même" .
La racine générale peut être notée (s)ent (no 906 de Pokorny) et signifie
faire , réaliser ( cf sanskrit sanoti/réaliser,gagner) .
L'authenticité correspond donc au sens primitif à ce qui est réalisé
de sa propre action , ce qui est fait en quelque sorte à la sueur de
son front .

 

2) Des faits et des fictions : le verbe faire
"Faire" lui-même vient du latin facio/faire (participe factus) dont
une forme simplifiée est "fio"  . La racine correspondante est notée
Dhe ( no 235-239 ) et exprime une notion générale de "faire , poser":
En latin le dh s'exprimant souvent par "f" , les verbes facio et fio
(faire) donnent naissance à des mots très divers .
Traduisant des connotations neutres ou positives , on a par exemple :
faire , des faits , facile , effectif , efficace , façon ,  parfait
et perfection , réfection , magnificence , facteur , facture ,
manufacture , édifice ( lieu où l'on fait un foyer) , bénéfice (relatif
à ce qui fait du bien) , satisfaction (faire assez) , amplifier (faire
plus ample) , pétrifier , ramifier , rectifier (faire droit) , etc ...
ou des mots traduisant des connotations négatives comme :
fiction et fictif , défaite , faction , factieux , artifice , maléfice
( fait du mal) , infecter et infecte , forfait , etc ...
en grec , le dh s'exprimant par la lettre "théta" , on a des mots
comme "thema"(ce que l'on pose) ,thésis(action de poser) , théké
(lieu où l'on pose) , dont se déduisent en français des mots comme
thème , thématique , anathème ; thèse , antithèse , synthèse ,
parenthèse , prothèse , hypothèse ; biblio-thèque (lieu où l'on pose
des livres) , hypothèque ( qui est placé "sous" le contrôle des
règlements) , apothèque (en grec : magasin , "relatif à ce que l'on
dépose") et apothicaire , ...
Dans les langues germaniques , le dh se transforme souvent en un "d"
ou un "th" et donne to do (faire) en anglais , et t(h)un (faire) en
allemand .

 

3) Les autres termes correspondant à "faire" en anglais ou en
allemand sont make , et machen : ils proviennent d'une racine notée
Mak ou Mag( no 696-697) qui veut dire "faire en pétrissant" :
en français s'en déduisent par l'intermédiaire du francique (langue
des Francs) : maçon , maçonner , puis par le picard maquier (faire) :
maquiller (sens négatif) , maquillage , maquignon (sens plutôt
négatif) .
En grec , la racine s'exprimer par "massein" (pétrir , masser) et a
donné : masser , masseur , masse , amasser , ramasser, massif , magma
...
Par le latin , on a macero , qui a donné en français : macérer ,
macération .

 

4) Faire en sanskrit : le karma et le mot "sanskrit"
Ici , il y a une racine commune aux deux termes , notée "Kr" (Pokorny
no 641-642) , exprimant l'idée de faire , d'accomplir .
Sanskrit veut dire étymologiquement " fait parfaitement" ( la racine
"sans" exprimant l'idée de perfection) .
Le mot karma est relatif à la somme des actions qu'un individu a pu
réaliser dans sa vie ( et porte en lui les conséquences que cela peut
voir sur ses vies futures ) .

 

5) Faire en grec ancien : 4 racines essentiellement
La première racine est celle du verbe drao , d'où découlent :
drastique ( qui agit efficacement , puis par extension qui agit de façon
stricte , contraignante) et "drame" , dramatique , mélo-drame , etc..
( drama en grec correspond à une action jouée sur scène) ( racine no 212
de Pokorny , notée Dra) .
Une deuxième racine est celle du verbe poieuo , d'où découlent :
poème ("fait de façon imaginative") , poésie , ... et onomatopée (de
onoma + poieuo , faire ou créer des noms) , pharmacopée ( étymologiquement
"faire des médicaments") ( racine no 637-38)
La troisième racine est celle du terme "praxis"(action , pratique) et du
verbe prasso (faire,pratiquer) , d'où découlent :
pratique , pratiquer , pragmatique , chiropraxie ("agir par les mains")
etc...(racine notée Per , no 810-816)
La quatrième racine est celle du verbe ergo (travailler) , d'où découlent
ergonomie , organiser et organe , organisateur ... , urgence et le
suffixe -urgie (métalurgie , chirurgie/fait avec les mains , sidérurgie
/travail du fer , etc ...) , démiurge , et léthargie ( léthé est le
sommeil en grec , soit "fait de façon somnolente") . La racine est notée
Uerg(no 1168-69) , d'où provient aussi to work en anglais (travailler)  

 

6) agir en latin :
Cette racine est celle du verbe ago , participe actus (conduire , agir),
notée Ag , no 4-6 ; elle conduit à une racine dérivée qui s'exprime en
latin par ager (le champ) et éclaire sur la signification primitive de
ago : ce verbe a d'abord voulu dire que agir , c'est "conduire au champ"
( un troupeau) et témoigne de l'importance du monde agricole à ces
époques . De cette racine découlent ensuite au fur et à mesure de
l'évolution des activités humaines :
avec une signification positive ou neutre : agir ,agissement , acte  
actif  action  acteur, actuel ,entracte ; agile ;
agence , agent , agenda , agencer , agencement ;
exiger(étymologiquement "pousser dehors , aller à son terme") , exigu
et exact , exactitude ;
examen ( de ex-ag-men , cf ci-dessus ) , examiner ;
cogito ("conduire ensemble" , concentrer ses idées ) et cogiter ;
rédiger et rédaction ( au moyen âge , rédiger veut dire réduire et
résumer par écrit ) ;
coaguler ("aller ensemble , mettre ensemble") et coagulation ;
ambage ("qui va des deux côtés")  ; mitiger ("aller par moitié") ;
transiger ("aller par delà") et transaction , intransigeant ;
rétracter ("aller en arrière") , rétractation , réagir ,réaction ,
réacteur , rétroaction ; antagonisme ("action d'aller contre") ,
protagoniste ("aller au devant , participer") ;
naviguer ("aller avec un navire") , navigation ;
prodige et prodigue , présage ("qui va au-devant" , c'est à dire
annonciateur dans le sens de prodige et présage , et dépensant sans
compter pour prodigue ) ;
pédagogie (" qui conduit les enfants") et pédagogue ;
démagogie (" qui conduit le peuple" , du grec demos/peuple) et démagogue ;
rémige ("conduire à la rame" , d'où plume directrice ) ;
cacher , cachot , cachette , cachet , cacheter , cachoterie , décati ( de
coago, participe coactus , "aller ensemble" dans le sens de contraindre pour
cachot , presser pour cachet , reserrer pour décati , avec le "c" qui se
prononce "ch" , ou qui disparaît dans décati ) ;
sqatter est passé en anglais de catir ( resserrer , rigidifier une étoffe ,
cf décati ci-dessus ) ;
du grec nous viennent :
stratège ("qui conduit l'armée , du grec stratos/armée) et stratégie ,
stratagème ( "manoeuvre militaire") ;
axe , axiome , axial , axiomatique ( du grec axon/axe , "direction du
déplacement") ;
chorège et chorégie ( du grec chor/choeur et egos/directeur) ;
agonie (du grec agonia , lutte sportive , puis angoisse , anxiété ) ;
synagogue ( "qui va avec , ensemble " , lieu de rassemblement , comme sur
une autre racine ecclésial et église signifient lieu de rassemblement ) ;

Dans un sens négatif ou péjoratif , nous viennent agiter et agitation ,
activisme , mitigé , ambigu , exaction , exagération , démagogue , etc ..

 


 

 

 

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Socrate , ou l'art du lacher prise

Socrate est un de ces esprit qui a illuminé durablement nos sociétés ,
tant par ses capacités à analyser et raisonner , que par ses aptitudes
à la spiritualité : il réalise en quelque sorte une synthèse entre des
pôles que certains jugent opposés , entre l'esprit critique , ce que nous
définissons actuellement comme la capacité intellectuelle , les
différentes formes de raisonnement , l'esprit de géométrie de Pascal ,
et d'autre part ce que le même Pascal définit comme un esprit de finesse ,
l'intuition , le sens d'une globalité , le sens d'un au-delà de nos
contingences ordinaires .

 

Réfléchir et philosopher , comme un art de de vider de ses pré-jugements.

Il préconise le raisonnement comme un art de déconstruire nos raisons
immédiates , nos modes de pensées , nos certitudes  :
Socrate , c'est bien l'art de se "décramponner" de nos habitudes de
comportement , de fléchir devant un "réfléchir" quotidien qui est plutôt
un réflexe et une réflection , l'art de "larguer" les amarres pour découvrir
plus de "largesse" intérieure , l'art de faire "un pas de côté" et de
prendre du recul par rapport à nos schémas personnels ou collectifs .
Cet art de faire un pas de côté , de lever la tête dans les tourbillons
de nos incitations souvent mécaniques , cet art là est bien le propre de
toutes les activités vraiment créatrices :
c'est l'art de "dé-couvrir" le quotidien sous le flot des apparences ,
de  "dé-nicher" , de "dé-celer" ce qui est caché sous la patine de
nos redites , de "dé-pister" en sortant des sillons d'un disque un peu
rayé , de "dé-voiler" ce que est obscurci sous la multitude des écrans
qui nous entourent , etc ...
Socrate est bien le prophète du "dé-" .
Dans le mythe de la caverne , Socrate nous dit que réfléchir , c'est
s'affranchir  des apparences des situations sur le fond de la caverne ,
des images sans imagination , des réflexes conditionnés , des standards
trop évidents qui aveuglent ...
Réfléchir , c'est d'abord une capacité de faire un certain vide devant
des flots de "sollicitations" qui nous enferment dans des "solitudes" ,
c'est ouvrir le regard comme un oeil qui éclot , faire un arrêt
intérieur devant nos attitudes de projections immédiates des  concepts
et pré-jugements qui nous animent ...
réfléchir , cela commence bien par cette capacité de se vider
intérieurement  de ses stéréotypes , de ses à-priori ..


 
Socrate,ou l'art de la suggestion
Une fois ce préalable réalisé , Socrate fait siennes les deux sentences
qui figuraient sur le fronton du temple de Delphes :
"Connais-toi toi-même " , et "Rien de trop "
On peut dire que "rien de trop" est la discipline qu'il s'applique
avant tout à lui-même , et qu'il  fait à ce point "rien de trop" qu'il
profère rarement une opinion personnelle .
Socrate procède par maïotique et eironeia : eironeia est le terme qui
désigne le fait d'interroger en feignant l'ignorance , et qu'on traduit
à tort par "ironie" . Certes , on a toujours l'impression que dans ses
dialogues , Socrate joue avec son interlocuteur et ironise quelque peu ,
mais c'est un à-priori dont Socrate se défend lui-même en affirmant que
sur le sujet abordé , il n'a pas d'opinion établie et qu'il ne feint en
aucun cas  l'ignorance .
On peut prendre cela pour une pirouette et une ironie au second degré ,
mais il est plus probable qu'il n'en est rien et que Socrate , sous
couvert de bonne humeur qui est sa marque constante , ressent intimement
cette obligation de ne faire "rien de trop" et d'éviter toute forfanterie
qui conduirait à "l'hubris" , à la démesure que la maxime du temple de
Delphes recommande à tout prix d'éviter .
Donc Socrate interroge son interlocuteur en se disant ignorant et dépourvu
de tout a-priori sur le sujet abordé , et conduit son interrogatoire selon
le processus de "maïotique" de façon à faire prendre conscience de la
subjectivité des opinions à son interlocuteur .
Il y arrive à ce point que l'interlocuteur sort de la discussion
complétement décontenancé et abasourdi , comme sous l'effet d'un électrochoc:
Ménon  compare cela à l'effet d'un poisson torpille qui frappe de stupeur et
d'engourdissement celui qu'il touche  .

 

Un Socrate fortement marqué de spiritualité .
A l'inverse des philosophes et des penseurs qui élaborent des systèmes de
pensées ou se basent sur des hypothèses fortes et indiscutables et tendent
par prosélytisme de  convaincre de la justesse d'enfermer le monde dans
leur système ou réseaux d'hypothèses , il n'y a rien de tel chez Socrate .
Il y a toujours chez lui ce scrupule de "rien de trop" , il n'est pas là
pour parler de lui et faire du prosélytisme , il n'est là que pour le plaisir
de discuter et d'aider son interlocuteur à trouver sa propre voie , il n'est
pas un "gourou" qui "guide" son élève sur le chemin de l'éveil car il n'a pas
de chemin , il aide simplement la personne à sortir des ornières dans
lesquelles elle est tombée , libre ensuite à la personne d'aller dans la
direction qu'elle juge bon de prendre .
On ne saurait trop insister sur le point que Socrate n'a pas de chemin à
proposer , se refuse énergiquement à en proposer un , et laisse , après
avoir "frappé de torpille" comme le dit Ménon et complétement décontenancé
son interlocuteur , ce dernier "en plan" : il a dégagé l'horizon de
l'interlocuteur , il ne fera strictement rien de plus .
Il y a chez lui cet extraordinaire scrupule de n'influencer en rien cet
interlocuteur pour le mettre sur une piste qui pourrait très bien être
une fausse piste en désaccord finalement avec la personnalité intime de
celui-ci : tu es l'objet de toute mon attention , interlocuteur , mais
je ne saurais te forcer la main en quelque manière que ce soit , estime
Socrate .
Le mieux est l'ennemi du bien , l'hubris se cache dans les trop bonnes
intentions ...
De fait , Socrate en rapporte en permanence à sa propre conscience ,
conscience qu'il appelle son "daimon" et qu'on pourrait appeler
son "sur-moi" si ce sur-moi n'était par si profondément intériorisé en
lui-même qu'il en devient un "moi" : même dans ses états d'esprit les plus
"extériorisés" , les plus "extravertis" , Socrate a toujours ce lien avec
sa conscience la plus profonde , le fil n'est jamais rompu , il a toujours
ce sentiment intérieur d'y référer pour tout ce qu'il affirme .
On pourrait dire que l'ego et le sur-moi de Socrate sont un seul et même
état d'esprit , dans un état de spiritualité qui est permanent et qui peut
atteindre des stades de paroxysme quand il entre dans des états d'extase
( qui peuvent durer plusieurs heures) .

 

Cet état de forte spiritualité n'a d'incidence dans le cours de ces propos
que dans la mesure où cela peut confirmer que Socrate s'interdit toute
forme de manipulation , de prosélytisme , d'endoctrinement sur son
interlocuteur , qu'il n'est pas là pour parler de lui-même et pour s'admirer
comme on voit tant de personnages contemporains pratiquer cet exercice ...
ne faire "rien de trop" comme une injonction qu'il s'impose , suggérer et
jeter des pointillés pour indiquer qu'il existe des voies pour sortir des
ornières , motiver son interlocuteur pour cela , donner un élan de propulsion
...mais pas plus , pas d'endoctrinement , pas de verbiage gratuit , pour
éviter que le phoenix ne devienne un perroquet ...

 

Sors de la caverne dans laquelle tu n'as que les ombres de phénomènes
extérieurs , et vois de tes propres yeux ...

 

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