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Généalogie de la morale 3

Nietzsche et les bobos bien-pensants

 

Voici quelques extraits des appréciations portées par Nietzsche à propos de la bien-pensance de son époque ( p 164 et 165 , Généalogie de la morale ) :

 

1) ces punaises coquettes dont l'ambition insatiable est de sentir l'infini jusqu'à ce qu'au bout du compte l'infini sente la punaise ................

2) ces sépulcres blanchis qui jouent la comédie de la vie .......

3) les fatigués , usés jusqu'à la corde , qui se drapent dans la sagesse et lancent des regards "objectifs"......

4) les agitateurs endimanchés en costume de héros , recouvrant d'un heaume magique d'idéal , la botte de foin qui leur tient lieu de tête ....

5) les artistes ambitieux qui aimeraient représenter l'ascète et le prêtre et ne sont en fin de compte que des pitres tragiques .............

6) ces derniers nés des spéculateurs en idéalisme , les antisémites qui roulent aujourd'hui des yeux christiano-aryano-bien-pensants et qui , usant et abusant...du moyen d'agitation le plus vil , la pose morale , cherchent à exciter tous les éléments du peuple relevant du bétail à corne ........

7) cargaisons d'idéalisme de contrefaçon , de costumes de héros et de crécelles à débiter des grands mots ......

8) échasses de "noble indignation" destinées à apporter de l'aide aux pieds plats de l'esprit .....

9) comédiens de l'idéal christiano-moral........

 

Cette faconde exceptionnelle qu'a Nietzsche de créer et de jouer des images , relevant d'une capacité poétique presque égale à celle de Rimbaud dans le "bateau ivre" (!) , mérite une analyse et l'établissement d'une correspondance avec le monde d'aujourd'hui , quelques 140 ans après ces apostrophes :

les apostrophes 1 et 2 relèvent de la comédie humaine la plus générale , "trans-époques"

les apostrophes 3 et 4 peuvent se rapporter aux "récitants de catéchisme" de tous bords , qui ayant lu une bonne parole quelque part , se croient obligés de la reproduire doctement et sentencieusement , comme parole d'évangile . Notre monde contemporain en trouve à foison: la maladie s'est sans doute aggravée depuis l'époque de Nietzsche ...

l'apostrophe 5 peut se rapporter à une espèce en voie de disparition : le pitre laïcard de service qui se croit malin de "bouffer du curé" , alors que lui-même ne fait que réciter un catéchisme des plus plats ( proverbe : le plus "cabot" des deux n'est pas nécessairement celui auquel on pense )

l'apostrophe 6 s'adressait aux professionnels de l'antisémitisme : c'est une caste qui s'est reconvertie à notre époque et s'adresse aux pros des idéologies et des peurs les plus diverses ...

l'apostrophe 7 ( crécelle à débiter des grands mots ) est une savoureuse expression pour une catégorie de communicants en pleine expansion de nos jours

tout aussi savoureuse , l'apostrophe 8 ( échasses de "noble indignation" ) s'adresse à tous les Tartufes de toutes les époques , et est aussi "trans-générationnelle" que la 1 ou la 2

Pour la 9 , il ne s'agit plus de nos jours de comédiens de l'ordre christiano-moral , mais de comédiens de toute "orthodoxie" ( et "dieu" sait qu'à notre époque , ce genre de chapelles ou de loges fait florès !)

 

Finalement , on aperçoit deux aspects dans l'énumération "nitzschéenne" : d'abord , une évolution sociologique dans la bien-pensance , et ensuite une constance établie par les plus grands de tous âges ( d'Héraclite , à Molière , La Fontaine et bien d'autres ) .

Personellement , je trouve la caractérisation de notre "bobo" branchouillé contemporain bien cernée par l'apostrophe 4 ( agitateur endimanché en costume de héros , recouvrant d'un heaume magique d'idéal , la botte de foin qui lui tient lieu de tête ) ; mais l'apostrophe 7 lui cède à peine la préséance !

 

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Neige

La neige qui tombait

en frêles sortilèges

d'ombres préfigurées ,

de frissons de soie grège

 

enveloppait l'espace

de son ouate feutrée

J'y ai glissé ma trace

au creux de ses secrets

 

Ses tourbillons légers

dans l'air virevoltaient

en souple farandole

de guirlandes frivoles

 

entrechats d'innocence

à l'orée des silences ,

psalmodies chuchotées

de griseries frôlées

 

Tout avait l'incidence

des dessins piquetés

comme au temps de l'enfance

aux feuilles de papier

 

Tout avait l'apparence

des fièvres de pétales

comme en un carnaval

bruissant d' exubérances

 

Féeries diagonales

qui traversaient l'espace

en valses qui s'enlacent

aux temps sans s'en lasser

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Adam et la terre

L'histoire commence avec Adam :

en Hébreu , adam veut dire "être humain" ; cet adam dit la Bible , naquit de "adamah" ( la terre , le sol , par opposition à la Terre --eretz , qui est un deuxième mot hébreu plus général) : des erreurs de traduction ou des traductions orientées ont fait de cet "adam" notre Adam , le premier homme . Mais , dit le texte en Hébreu , Dieu créa le premier "être humain" ( symbole de l'humanité) à partir de la terre ( adamah ) -- le reste n'est qu'interprétation .

Ce rapport en hébreu entre adam et adamah se retrouve en latin :

Là , on retrouve l'alternance entre homo ( homme en tant qu'être humain ) et humus ( la terre , le sol ) ; traduite mot à mot en latin , la Bible dit : Dieu créa Homo à partir de Humus .

Ce rapport entre l'homme et la terre est ainsi attesté aussi bien en hébreu qu'en latin , sans possibilité qu'il y ait eu une influence réciproque d'une langue sur l'autre , et traduit sans doute cet attachement fort de l'humanité à la terre , du moins depuis l'époque -1500 , -2000 ans . On peut aussi interpréter cela en qualifiant l'être humain de "fils de la terre" ou d' " être de la terre ", "qui vit sur la terre" , par opposition aux dieux ( à Dieu) qui "vivent dans les cieux" .

 

L'analyse plus poussée de l'hébreu nous conduit encore plus avant :

"dam" signifie aussi sang , "adom" est la couleur rouge , "adamah" pourrait conduire à un rapport entre la terre , le sang , la couleur rouge et l'être humain .

Ce rapport existe aussi en grec ancien , mais partiellement : "aima" est le sang " ( cf en français "hématie" , globule rouge ) , "aimatodes" est une couleur rouge sang qui a donné en français "hématite" ( oxyde de fer de couleur rouge) .

Mais en même temps , le latin , très proche du grec dans ses racines , peut venir compléter le rapprochement vu  en hébreu  :

la forme primitive de "homo" est "hemo" ( cf Meillet , Bailly , Pokorny ) , qui a subsisté en latin classique dans "ne-hemo" soit "nemo" en contraction ( comme le capitaine ) , qui veut dire "personne" ; d'un côté , on a "hématie" et "hématite" pour le grec , de l'autre "hemo" , "homo" et "humus" pour le latin avec le même racine "hem", "hom" ou "hum" dans la langue substrat d'origine qui est l'indo-européen .

 

Ainsi , le rapprochement en hébreu " sang, rouge , terre , homme " ( adam , adamah , dam , adom ) se retrouverait dans les mêmes termes en indo-européen avec "hématie , hématite , hemo , humus , homo" , avec une racine qu'on peut écrire "ho(e)(u)m" , ou "gho(e)(u)m" pour être plus général ( cf Pokorny 414-416 )

 

Ce quadruple rassemblement en une seule racine illustre un phénomène connu : quand on a une hypothèse de travail , cette hypothèse peut conduire à dénouer bien des fils embrouillés , ou à éclaircir des phénomènes qui resteraient obscurs sinon , pris qu'ils sont sous une avalanche de données . En l'occurrence ici , l'hypothèse est d'examiner les données sous l'angle de l'analyse des 4 mots hébreux déjà cités .

 

Et l'histoire se continue sur "terre" :

On a ici parlé d'humus , voire d'humilité , et d'adamah , mais on n'a pas parlé de "terra" , la terre elle- même . Quelle est l'étymologie de "terra" , et à quoi renvoie -t'elle ?

A la racine indo-européenne du verbe latin torreo ( sécher , griller , bruler ) , qui s'est transformée aussi bien en "torrent" ( bouillonnant / sec en été , pour l'analogie de sens) , qu'en "torride" , ou en "torréfaction" , ou encore en "terre" ( ce qui nous donne toute latitude d'interprétation sur les conditions climatiques sous lesquelles vivaient les personnes qui ont créés le mot ! )

Mais il y a plus : le participe passé de torreo est "tostus" ( donc cuit , grillé ) :

il s'est transformé en un mot qui voulait dire "terre cuite , coupe en terre cuite , amphore " , puis de  contenant (en terre cuite) , le mot a évolué en "tête" ( d'où l'accent circonflexe sur tête pour signaler la disparition du "s" ) (et comparer la tête a une marmite n'a rien d'exceptionnel , cf par exemple comme expression imagée "ne rien avoir dans la marmite" ...)

Cela nous donne un nouveau rapprochement pour le moins inattendu entre la "terre" et "l'homme" ; sa "tête" ( du moins en français) lui vient de la terre ( cuite , des récipients) : le voilà "récipiendaire" ( et non "récipient d'air") d'un nouveau point commun avec celle-ci ...

 

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Bach no2 : Jonathan le goéland , concerto pour bobos

 

«A plusieurs on est toujours plus intelligent»

Voire , ont dit les moutons de la course à l'abîme ;

de chaînes de Ponzi jusqu'aux plus hautes cimes

on n'est jamais tombé que de tout son élan

 

Du chant des sirènes montent ces propagandes ,

du cri des sirènes redescend le tocsin .

Libido de groupes , placebos de guirlandes

sont vite dissipées aux brumes du matin

 

De think thank de service offrant prêt à penser

aux tic-tacs de l'horloge qui donne l'heure des loges

à la Conciergerie , aux fruits l'arbre est jugé:

nèfles et cornouilles ; nu le roi dans sa toge .

 

La parole s'envole en longues migrations

en cortèges de cris et en déclamations ;

la place abandonnée , reste ce qui est fait :

miettes sous le tapis et encens calciné

 

Hors sol on est toujours beaucoup plus près du ciel .

On y arrive aussi au jeu de la marelle

en sautillant de case en case à cloche-pieds .

Hors sol on est toujours plus prompt à tout prouver

 

Hors sol on est toujours de plus haut à tomber

Il est temps de siffler la fin de la récrée

à tous ces Dagobert qui font tout à l'envers

 

De Mirabeau , coule Durance vers la mer                             Février 2018

 

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Etymologie : "Vie"

 

Les mots exprimant la vie , l'énergie vitale , la vitalité , la vivacité  sont rapportées dans les langues indo-européennes a une racine écrite suivant les auteurs gwei , wei , we(i)g , ...

En latin on trouve le verbe vivo ( vivre ) , vigeo ( être bien vivant , éveillé , vigoureux) , les mots vita ( vie) , vivax (vivace) , victus ( genre de vie , nourriture) , conviva (convive) , etc..

En sont issus en français :

vie , vivre , vivant , viable , vif , convive , aviver , vivifiant , vivipare , victuaille , viande ( du participe présent du verbe vivo qui est vivendi , après disparition du "v" intermédiaire) , le mot anglais quick ( les échanges entre "v " et "q" sont assez fréquents), etc ..... auxquels on adjoint : le mot gaulois bitu ( le monde , la vie ) , d'où provient le nom des Bituriges ( de la racine bitu + rex , soit "roi de la vie" ou "roi du monde" ) . Notons au passage que la racine rex se retrouve dans le nom de Vercingetorix , soit ver + cingeto + rex , c'est à dire grand (ver , cf allemand über , au-dessus) , guerrier ( cingeto) et rex (roi) , pour un final en : "grand chef des guerriers" .Il est étonnant que Vercingetorix ne soit connu , non par son nom , mais par son titre ( il est vrai qu'en France , le "Général" pourrait se passer de nom ..)

Suivant certains auteurs , on rajoute à cette liste : vigueur , vigoureux , vigile , etc ...

 

Le changement du "v" en "b" qu'on a observé en gaulois avec bitu pour la vie , se retrouve en grec ancien : la vie est "bios" , d'où sont issus biologie , microbe ( il ne reste plus que le "be" de la racine , précédé de "micro") , aérobie , biographe , antibiotique , symbiose ( syn : ensemble , avec) , amphibie , etc ...

Puis le "b" se transforme dans la prononciation : on obtient le verbe "zoo" ( vivre) , qui a donné en français de nombreux rejets : zoologie , zodiaque ( les signes de la vie) , zoo bien entendu , l'azote ( le "a" est privatif , pas de vie dans l'azote) , les suffixes en -zoïque ( paléozoïque , etc...) ou -zoïde ( spermatozoïde) , etc ...

Quand le "v" vient à tomber ... il ne reste plus grand chose , si ce n'est , du "vigeo" latin , le "g" et une voyelle : on obtient ugiès ( bien vivant , bien portant , sain , vigoureux ) , et un descendant français qui est hygiène , ou le vieux gothique "qius"(vivant) , ou encore l'anglais quick déjà cité  .

 

Si on se reporte cette fois à l'énergie vitale , on trouve en grec : bios ( arc , ou corde de l'arc qui vibre ) , bia ( énergie , force ) , biazo ( forcer , obliger ) , iz ( énergie , force ) , biaios ( violent) ;

en sanskrit : jiya ( domination , prédominance) , tous sans véritables descendants en français , si ce n'est le mot "jaïnisme" ( une forme d'ascétisme s'appuyant sur des traditions de l'Inde et encore pratiqué par plusieurs millions de personnes dans le monde ) .

En latin , on trouve vis ( énergie , force , pouvoir) , invito ( inviter , inciter) , violentus (violent) ;en vieux francique , on trouve waidanjan ( piller , se nourrir ) , qui par un changement assez fréquent dans le nord de l'Europe a transformé le "w" en "g" , et a donné en vieux français "gaigner" , puis gagner , gain , regain ( autre exemple de ce changement : "Walles" , en Pays de "Galles" , "Wilhem" en "Guillaume" , "wasp" en "guèpe" , "war" en "guerre" , " warrant" en "garant" , etc..... )

 

Voilà pour ces très long cheminement de mots et de la "vie" en particulier , en passant par les Bituriges , et des détours par Vercingetorix , les guèpes et le pays de Galles .

(Sources : Pokorny , Bailly et Meillet pour le latin , Chantraine pour le grec , Etymonline pour l'anglais et le français -- la plupard des mots français ayant à 70 ou 80% une correspondance en anglais -- , Rolland , Picoche , Wiktionnaire , .....)

 

Notons que les mots expriment une prise de conscience d'un état de fait : ici en particulier , il s'agit de la prise de conscience que l'on est en vie , conscience que les animaux n'ont peut-être pas .

Cette prise de conscience ne va pas de soi , c'est un premier stade .

Après ce stade peut apparaître une conscience d'une certaine énergie vitale , de la vitalité , puis l'appréciation de cette vitalité évolue dans plusieurs sens : elle peut être le signe d'une efficacité dans le comportement , qui accompagne la réussite , ou de la "vivacité": les mots latins , grecs ou sanskrits ont souvent ce sens second d'énergie de réussite ( voir "iz" , "vis" , "jiya"cités ci-dessus ) , le mot anglais quick se rapporte à la "vivacité".

Ensuite , cette énergie vitale un peu trop exacerbée peut évoluer vers la "violence" , c'est une histoire bien connue .

La prise de conscience peut ensuite évoluer en associant à la vie tout ce qui contribue à l'entretenir : on a alors les "victuailles" , les "vivres" , la "viande" , etc...

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