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Du cheval au chien et au canard en indo européen

Le concept de cheval est représenté dans les langues indo-européennes
par 4 séries principales :

 

1) la racine correspondant à équestre , équitation est symbolisée par
Ekuos (racine 301-302 de Pokorny) :
En grec elle est représentée par hippos , le changement du p grec en q
latin étant fréquente ( par exemple , 5 en grec se dit penté /cf
pentagone / et quinque en latin) :
On rencontre comme série de mots contemporains des mots associés comme
hippodrome (lieu  où courent les chevaux) , hippique , hippopotame
(cheval du fleuve) , hippocampe (cheval sinueux , en courbes),le prénom
Philippe (qui aime les chevaux)...
Le mot latin correspondant est "equus" : on retrouve cette racine dans
une série qui va de équestre , à équidés , équin , équitation .
De "equiferus" (cheval sauvage) abrégé en eciferus , l'espagnol a crée
ezebra en vieux langage , puis cebra , qui s'est transformé en "zèbre"
en français , puis zébrure , ...

 

2) Une deuxième racine est celle que l'on retrouve dans courir , qui
est une des facultés appréciées du cheval (racine symbolisée par Kers):
On la retrouve dans coursier .
La voie germanique de cette série correspond au proto-germanique
hursan (cheval) , qui est devenu Ross en allemand puis rosse en
français avec des variantes comme rossard et Rossinante (cheval de don
Quichotte), et "horse" en anglais , apparenté à "hurry"(se précipiter).
Ces termes associés à cheval ne sont qu'une sous-série de la série
principal , dont nous citerons entre autres exemples :
courir , discourir , concourir et concurrent , courrier , recours ,
parcours , secours et secourir , course , encours et encourir , ..
 

3)une troisième racine correspond aux mots Pferd (cheval en allemand)
et à palefrenier , palefroi en français .
Elle est symbolisée par Reidh (Pok 861)("se déplacer à cheval").
Les premiers mots cités se déduisent du latin paraveredus ( à
découper en para-ve-redus) , qui est un cheval de réserve dans les
postes d'acheminement du courrier : seul "redus" (venant du celte
gaulois reda , charriot à chevaux) se rapporte à la racine Reidh .
On voit que le chemin de paraveredus à palefrenier et Pferd n'est pas
un chemin de tout repos ...
Dans cette série , on retrouve en anglais ride (aller à cheval) ,
Road (chemin pour les chevaux , puis route ), ready (prêt..à aller à
cheval) .

 

4) La quatrième racine n'est pas vraiment clairement identifiée
actuellement en termes indo-européens:
c'est celle qui correspond à cheval , cavalier , chevalier , cavale
chevaucher, cavaleur , cavalcade (autant de "ch" que de "c", selon une
distribution assez habituelle) , etc...
Elle provient du latin cabalus (cheval) , qui a donné cavallo en
italien et espagnol , Kobyla (jument en russe) , cal en roumain ,
cavalry et chivalry en anglais , ...
Dans les langues indo-européennes slaves cheval se dit Kon (polonais ,
bulgare) , Kin (ukrainien) , Kun(tchèque) , Konj( serbe , croate,
slovéne , macédonien , ....) .
Pokorny a proposé de rapprocher ces deux séries sous la racine
symbolisée par K(voyelle)b-n , mais l'indécision domine toujours
actuellement : ce qui est sûr , c'est que chaque "sous"-série est
très bien individualisée , mais la fusion des deux plus incertaine .

 

5) Arrivons en maintenant à "canasson" : il provient selon toute
"invraisemblance" du latin "canis" (chien !) .
Déroulons les variations cette racine symbolisée par Kuon(Pok 632-33) .
En grec chien se dit kunos , et a donné en français notamment :
cynique ( c'est Diogène vivant dans son tonneau qui a été qualifié
de philosophe cynique , puisqu'il vivait comme un chien et qu'il le
revendiquait au mépris des conventions sociales ) , cynisme ,
cynodrome , cynégétique , et cynorhodon( rhodos , rose ou rouge en
grec comme la ville de Rhodes ou les rhododendrons , parce que ces
capsules d'églantier , dont on ne fait plus que des confitures
actuellement , était considérées comme des remèdes contre les
morsures de chiens ) .
En latin le chien est donc canis ( "cave canem" dit la mosaïque ,
"garde chien") . Il se décline en canidé , canin , canine  et
canicule (c'est la constellation du chien qui apparaît vers le 1er
au 10 Août qui est à l'origine du concept de canicule , période
la plus chaude de l'année) .
Avec une initiale en "ch" , on a chenil , chenille (personne
méchante au Moyen age , puis tissu velouté vers 1600 , et chenille
, puis chenille de tank au XXème siècle ) , chienne , chiennerie ,
chenet ( avec tête de chien) , chiendent , écheniller , ....
Avec initiale en "c" , on a encore canaille , cagnard et cagnia
( autres versions de canicule / c'est le cagnard ! ou la cagnia !)
décaniller , cagnotte ( "gamelle" du chien , puis divers
récipients) .
Quant-à canasson , le mot est apparu vers les années 1860 : les
mots les plus récents sont souvent les plus difficiles à circonscrire
Un mot ne surgissant pas du néant doit avoir des ancêtres :
c'est d'abord "cagne"(chienne) , apparue vers 1100-1200 , puis
"cagnard" (paresseux , indolent comme un chien qui doit dormir plus
de 12 h par jour) , apparu vers 1500 , moyen anglais caynard
(paresseux , indolent) vers 1300 , puis plus tardivement "canard"
comme abréviation de cagnard ,pour désigner un mauvais cheval :
il est vraisemblable qu'un "canard boiteux" soit dès lors un
canasson qui boitille , plutôt que le volatil du même nom .

 

6) Et maintenant canard (le volatil) : la racine est symbolisée
par anat(Pok 41-42) .
En sanskrit ,  "ati" (oiseau d'eau) , en grec netta
(canard) , en latin anas(génitif : anatis)/canard , nous donnent
les ancêtres de notre canard ( en allemand Ente / le canard anglais
duck se rapportant à une autre racine ) .
Le "c" en français pose problème : l'ancien français pour canard
était "aine" ou "ane" (comma anas en latin) .
Il est interprété comme l'influence de l'onomatopée "can" , version
cancan , couin couin , imitant le cri du canard , qui aurait fait
dériver l'ancien français "ane" en "cane" et canard .
l'onomatopée "can" se retrouve dans "caner" ( signifiant d'abord
caqueter , jacasser / reculer devant le danger , c'est à dire "faire
le canard"/ puis en "français contemporain": "mourir")

 

Voilà pour le "tri" entre un cheval canasson ,dont l'origine se
rapporte à un canard (ici un chien paresseux) , et un véritable
canard qui a tout aussi mauvaise réputation que le chien paresseux :
il fait des canards (des fausses notes) , il fait le canard (il est
poltron) , il raconte de fausses nouvelles (des canards , des
"cracks") , mais a tout de même des compensations : il écrit dans
un canard , et quand on le trempe dans un café ou un alcool , c'est
un très bon canard ...
 

 

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