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''Pathologies verbales''(appellation de Littré)

 

Pathologies verbales »  et autres exemples

 

Littré appelait pathologies verbales des termes dont la signification

avait connu une rupture par rapport à l'emploi d'origine , une

transgression de sens brutale et apparemment sans rapport avec une

évolution compréhensible du terme .

Donnons en quelques exemples :

 

  1. Un ostréiculteur ostracisé

    Ostrea en grec voulait dire huître , d'où est issu le mot français

huître lui-meme et son complément plus fidèle à la racine grecque :

ostréiculteur .

D'où vient cette apparente anomalie , qui fait que ces termes ont la

même origine que « ostracisme » ?

Cela vient du fait qu'à l'époque en Grèce on utilisait comme « bulletin de

vote » dans les assemblées du peuple des tessons divers et des coquilles

d'huîtres : ainsi dans un vote de bannissement celui qui avait reçu son

compte de coquilles d'huîtres ou de tessons était condamné à l'exil , il

était ostracisé pour un certain temps (un an , ou dix ans suivant la

gravité de la faute reprochée ) .

C'est , toute proportion gardée , ce qui se passait en Angleterre quand on

votait avec des boules blanches ou noires : celui qui avait son quota de

boules noires était « blackboulé » , donc refusé dans tel ou tel club .

La racine indo européenne est ici Ost (Pokorny no 783) (qui se rapporte

à l'idée de quelque chose de dur – carapace , os) : de là viennent des

mots comme osteon en grec (os) et en français os , ossuaire , ostéopathe

 

  1. Du foie , des figatelles et des figues …

    En fait , c'est toujours la faute des grecs : ils gavaient leurs oies

    avec des figues qui s'appelaient sukon ; le procédé est passé

    chez les romains où se vendaient sur les marchés les « foies aux

    figues '' , au point que ficatum , qui était la transcription latine de

    sukon , est devenu le terme même qui désignait le foie : on est

    ainsi passé du foie , aux figues , par un raccourci de prononciation

    où les figues sont devenues l'emblème du foie .

    Ensuite sont venues les figatelles comme saucisses au foie …

    Les dénonciateurs de voleurs de figues étaient appelés sukophantes

    chez les grecs d'où vient le terme peu employé de sycophante en

    français pour désigner un espion , un dénonciateur , etc ...

    Sinon , la racine du mot foie en grec est hepar (en français s'en

    déduisent hépathique , hépathite , l'eau hépar ...)

 

  1. Lazare et les ladres …

Lazare est le pauvre de la Bible , rongé d'ulcères (que les romains

assimileront ensuite à la lèpre ) , qui quêtait aux portes , dont le nom est

devenu en ancien français lazre , puis ladre ; la boucle était bouclée …

Le pauvre est devenu un ladre …

En français , s'en déduisent des mots comme lazaret (lieu d'isolement ,

de mise en quarantaine ) , ladrerie .

 

  1. Ne pas lésiner sur les alênes de cordonnier !

Un auteur italien de XVIème siècle avait publié une satyre à grand succès

« la compagnie de la lésine'' qui dénonçait , nombreuses moqueries à l'appui ,

le comportement d 'avares (Harpagon chez Molière !) ,qui raccommodaient

eux-mêmes leurs chaussures avec du fil et des aiguilles ( les aiguilles

sont appelées lesina en italien ) : comme les figues devenues le symbole du

foie , les aiguilles (lesina ) sont devenues l'étendard de la ladrerie et de

l'avarice .

La racine indo-européenne est notée Ela chez Pokorny ( no de racine 310)

dont sont déduits en français des mots comme alêne (grosse aiguille de

cordonnier – cordonnier qui vient d'ailleurs de Cordoue , ville réputée pour

les ouvrages de cuir au Moyen age ) : le mot alêne lui-même vient

d'une racine germanique (Ahle pour aiguille en allemand ) , qui le latin tardif

a romanisé en alesna (ce qui a donné l'accent circonflexe en français) :en

anglais , on a aussi awl pour aiguille , suivant la racine germanique .

 

  1. Mon père , l'abbé..

    La Bible est passée par là et a véhiculé des mots hébreux ou araméens

    en particulier abba (père en araméen) qui a ensuite évolué en abbaye

Quelques autres mots courants nous viennent de l'hébreu ou de l'araméen :

outre abbé et abbaye , voire ladre déjà cité , notons encore Samedi ( ''jour du

Sabbat '' – ''sabbatum dies''en latin) , tohu-bohu (état du cosmos avant la

création de la Terre) , ange (mal'ak , ''messager'' , devenu aggelos en grec ) ,

voire encore ''cidre'' qui ne vient pas de Normandie (au moins pour le mot)

mais de l'hébreu chekar transformé en sikera par les grecs pour désigner une

boisson fermentée ,etc...

 

  1. Citons pour terminer le meilleur , des exemples tirés de Littré en

    personne !

''Galetas :

Quelle déchéance ! A l'origine, galetas est le nom d'une tour de Constantinople.

Puis ce mot vient à signifier un appartement dans la maison des templiers, à

la Cour des comptes, et une partie importante d'un grand château. La chute

n'est pas encore complète ; mais, au quinzième siècle, le sens s'amoindrit ; et,

au seizième, le galetas est devenu ce que nous le voyons. C'est bien la peine

de venir des bords du Bosphore pour se dégrader si misérablement. ''

 

''Gagner :

Ce verbe, par son étymologie germanique, a le sens de paître, qu'il a conservé

en termes de chasse, et dans gagnage qui veut dire pâturage. La langue d'oïl,

du sens rural de paître, a passé à l'acception rurale aussi de labourer ; puis le

profit fait par la culture s'est dans gagner généralisé à signifier toute sorte de

profits, seul sens resté en usage. La même déviation de signification se voit

dans le provençal gazanhar et l'italien Gagner guadagnare. Cette déviation

mérite d'être notée à cause du fait parallèle que la langue latine présente : le

latin pecunia, qui signifie argent monnayé, est originairement un terme rural,

par pecus, mouton, bête de campagne. Le mot latin nous reporte à un temps

très ancien où, dans la vieille Italie, les troupeaux faisaient la principale

richesse. Gagner est d'une époque beaucoup moins reculée ; pourtant lui aussi

représente un état de choses où la paissance tient un haut rang dans la fortune

des hommes ; c'est que l'invasion germanique, à laquelle le mot gagner

appartient, avait reproduit quelqu'une des conditions d'une société pastorale.''

 

En cherchant bien sur les sites internet (en particulier lexilogos) , on peut

retrouver plusieurs dizaines d'autres exemples de ''pathologie verbales ''

de Littré qui semblent tous très intéressants .

 

 

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