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Nietzsche : "Tu vas chez les femmes ? N'oublies pas le fouet", ou "l'art" de slalomer sur les lignes jaunes .

 

On peut écouter mille émissions sur Nietzsche , on aboutit toujours à la

même constatation : Nietzsche est entouré d'un cordon sanitaire , on ne parle

jamais qu'après avoir soigneusement trié les propos de Nietzsche , on veut

ignorer le côté sombre de Janus .

On croirait entendre les propos de Freud rapportant l'anecdote du

chaudron :

" A a emprunté à B un chaudron de cuivre et après l'avoir rendu , il est mis en

accusation par B parce que le chaudron présente désormais un grand trou qui

le rend inutilisable .

Voici sa défense , dira Freud :

"Premièrement , je n'ai absolument pas emprunté de chaudron à B ;

deuxièmement le chaudron avait déjà un trou lorsque je l'ai reçu de B ;

troisièmement je lui ai rendu le chaudron intact "

Soit pour en revenir à Nietzsche : "N n'a jamais écrit cela ; s'il a écrit cela , c'est

vous qui comprenez mal ; et si on choisit bien ce qu'il a écrit , il n'y a aucune

ambigüité dans ses propos ".

Cette digue sanitaire est assez efficace , car généralement les personnes qui

écoutent ces émissions n'ont pas vraiment lu "dans le texte " les propos de

Nietzsche . Mais donnons quelques extraits de ces propos , un florilège

de ceux-ci :

 

"La quantité de puissance que tu es décide de ton rang (Oeuvres Posthumes

Editions A Kröner , XVI , 858)

(L'homme au fait de son être) "représente une quantité formidable de puissance

et non un supplément de bonheur " (Oeuvres Posthumes , XVI 704)

"Ce dogme , qui affirme qu'il est loisible au fort de devenir faible , loisible à

l'oiseau de proie de devenir agneau ... On s'arroge ainsi le droit de demander

compte à l'oiseau de proie de ce qu'il est oiseau de proie ....comme si la

faiblesse même du faible était un accomplissement libre , quelque chose de

choisi volontairement , un acte méritoire ." (Généalogie de la morale p 65)

 

"La guerre et le courage ont fait plus de grandes choses que l'amour du

prochain " (Ainsi parlait Z , De la guerre et des guerriers)

"Vous devez aimer la paix comme un moyen de guerres nouvelles . Et la

courte paix plus que la longue . Je ne vous conseille pas le travail mais la

lutte . Je ne vous conseille pas la paix , mais la victoire .

(Ainsi parlait Z , De la guerre et des guerriers)

 

"L'homme doit être élevé pour la guerre , et la femme pour le délassement du

guerrier . : tout le reste est folie .

Le guerrier n'aime pas les fruits trop doux , c'est pourquoi il aime la femme ;

une saveur amère reste même à la femme la plus douce ."

(Ainsi parlait Z , des femmes vieilles et jeunes )

 

"J’ai reconnu en Socrate et en Platon des symptômes de décadence, des

instruments de la décomposition grecque, des pseudo-grecs, des antigrecs "

(L’Origine de la tragédie , citée dans "Le cas de Socrate").

"Le moralisme des philosophes grecs depuis Platon est déterminé

pathologiquement" (Le cas de Socrate)

 

Simultanément , on apprend que Socrate est issu "de la populace" (son père

était sculpteur et sa mère accoucheuse !) ,

que c'est un "polichinelle" , qu'il faisait preuve "d'une méchanceté de

rachitique", que "tout en lui est exagéré, bouffon, caricatural" , que Socrate

"était laid ... que "la laideur est assez souvent l’expression d’une évolution

croisée, entravée par le croisement." ( autrement dit , Socrate n'est pas de

race pure ) , etc ... etc ...

(tous ces remarquables propos sont extraits de "Le cas de Socrate")

 

Ce "florilège anthologique" n'est qu'une infime partie de ce que l'on peut lire

chez Nietzsche .... Mais bon , il y a d'un côté la mer grondante de ces

propos insanes , puis la digue sanitaire , et de l'autre côté du cordon , l'eau

plane et scintillante des propos révélés dans la maîtrise éblouissante

du maître .

Mais que nous apprennent ces propos révélés dans la "maîtrise éblouissante

du maître" , de l'autre côté des propos grondants de la mer agitée ?

D'abord , qu'il faut stimuler sa Volonté de Puissance : traduit avec bienveillance,

admettons que cela veuille dire : stimuler sa force vitale intérieure (sa capacité

de vitalité) , développer ses élans créateurs , tendre à plus de liberté d'esprit ,

dégager son libre arbitre de la gangue de nos apprentissages , ......

Ensuite , qu'il faut se défier du "consensus sapientium " , du consensus mou ,

du consensus des dogmes établis , de la pensée unique propre à chaque époque ,

qu'il faut avoir conscience des limites de la raison raisonnante (des consensus

"raisonnables") , .... , qu'il faut savoir dépasser les schémas de son éducation

et avoir plutôt la tête bien faite que bien pleine , ...

Qu'enfin , l'un de ses thèmes favoris étant celui de l'Eternel Retour , cela

conduit à nous dire que si nous devons revivre une infinité de fois la même vie ,

en conséquence nous nous devons d'agir en assumant pleinement dans la

joie la plus absolue , la plus pure , la plus totale , chacun de nos actes ,

sous peine de devoir subir les actions "inappropriées" une infinité de fois ...

 

Mais , à part le thème de l'éternel retour fondée sur des hypothèses

"hypothétiques" et aboutissant à des conclusions "discutables" , .... ,

(et déjà largement repris par Héraclite et les mystiques indoues , sous une

forme ou sous une autre ) , qu'apporte Nietzsche que n' aient déjà dit

Socrate . Lao Tseu , Montaigne ? Et parmi nos contemporains Wittgenstein

Krisnamurti , Bergson ?

Je cherche ... je ne trouve rien ... sinon un méli-mélo de propos empruntés

aux uns et aux autres (souvent en les déformant consciencieusement

pour mieux mettre en valeur son "génie personnel" ) ...

De Socrate , il dit :

"Je tâche de comprendre de quelle idiosyncrasie a pu naître cette équation

socratique : raison = vertu = bonheur : cette équation la plus bizarre

qu’il y ait " , ce qui est une caricature et une déformation la plus totale de

la pensée de Socrate , celui-ci ayant passé son temps à affirmer qu'il ne

savait rien , qu'il n'était prosélyte d'aucune théorie , et que la seule

démarche préconisée était de se mettre en route et d'aller sur son propre

chemin (sur le mode Krishnamurti : "celui qui suit quelqu'un ne suit pas

la vérité"....)

 

En fait , si l'on se fonde sur un principe de base qu'est " nos jugements

nous jugent " , ou ce qui revient un peu au même " nos jugements sont

des projections sur les autres de ce qui nous animent intérieurement " ,

on peut alors admettre que sous les déformations et les caricatures dont

il fait abondamment preuve , il y a chez Nietzsche :

Une défiance sincère à l'égard des dogmes "raisonnables" :

"Il a longtemps que j'ai fait remarquer que les convictions sont peut être

des ennemis plus dangereux pour la vérité que les mensonges "

(Humain , trop humain , aphorisme  483)

"La vérité ne peut plus dès lors habiter que dans les généralités les plus

pâles , les plus délavées , dans les enveloppes vides des mots les plus indéfinis ,

comme dans un château en toile d'araignée"

(Oeuvres posthumes,édition Kröner,XV,458).

Mais tout ceci est déjà abondamment traité par ses prédécesseurs .

Montaigne dira entre autres :

" J'appelle raison cette apparence du discours que chacun forge

en soi ; cette raison , de la condition de laquelle il peut y en avoir cent

contraires autour du même sujet , c'est un instrument de plomb et de cire ,

allongeable ployable et accommodable à tout biais et à toute mesure .

(Les Essais , II , 12 , p 215)

"Quelle vérité que ces montagnes bornent , qui est mensonge au

monde qui se tient au-delà?" (Les Essais , II , 12 , p 231)

 

Il y a encore chez Nietzsche un certains nombres d'obsessions

personnelles comme celles de la dégénérescence , le côté

"polichinelle" ou "bouffon" dont il affuble Socrate ,

"l'impression oppressive" de devoir revivre une infinité fois la même

vie et la nécessité de se comporter de façon "pure" sous peine

de devoir revivre une infinité de fois les actes "impurs" , etc ...

Mais là , il n'y a rien qu'un catalogue d'obsessions "ordinaires"

qui peuvent hanter certaines personnes , sans que l'on songe le

moins du monde à interpréter ces obsessions ordinaires comme

"des créations d'une nouveauté radicale" ...


 

 

 

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