C'est l'exception qui confirme la règle ....
A la mesure de ces propos , on peut se demander si toute règle admet des
exceptions et jusqu'à quel degré d'exceptions une règle admet un fondement
véritable . Pour cela , examinons ce qu'il en est dans les domaines des sciences .
Dans un monde à notre échelle , qu'on peut opposer aux mondes de l'infiniment
petit et de l'infiniment grand , ou aux mondes très antérieurs au notre , les
grandes lois des sciences physiques n'admettent pas d'exceptions :
ainsi en est-il pour la loi de la gravité ( encore que...cf périhélie de Mercure )
, les lois d'Ohm , de la conservation de l'énergie , de la thermodynamique , etc.. .
Dans ces domaines , une seule exception suffirait à invalider la règle .
Observons toutefois que ces lois sont essentiellement "locales" , c'est à dire
valides à notre échelle , de temps et de lieu ; l'exemple de la loi de Hubble est
très éclairant à cet effet . Cette loi de Hubble précise qu'actuellement , toutes
les galaxies de l'univers s'éloignent les unes des autres à une vitesse qui est
proportionnelle à leurs distances respectives ; une galaxie deux fois plus
éloignée de notre galaxie qu'une autre s'éloignera deux fois plus vite de notre
galaxie (Voie Lactée ) que la deuxième .
Cette loi se traduit en termes mathématiques de façon très simple : si l'on
appelle d la distance de 2 galaxies et d' la vitesse d'éloignement de ces galaxies
( d' est la "dérivée" de d par rapport au temps) , alors d' = Hxd , où H est une
constante , dite constante de Hubble .
La résolution élémentaire de cette équation ( différentielle ) donne comme
solution d = A exponentielle(Hxt) , où t est la variable "temps" et A une autre
constante. De la sorte , on aboutirait avec la valeur de H actuellement évaluée
( à peu près 70 km/seconde/ megaparsec ) à une expansion de l'univers
"exponentielle" , ce qui est bien entendu en contradiction évidente avec ce qui
est observé .
Ainsi le loi de Hubble et sa constante ne sont valables que pour "notre époque" ,
soit environ 13,5 milliards d'année aprés le Big Bang ; le loi de Hubble est bien
une loi "locale" ( propre à notre environnement actuel) , qu'il faut bien se
garder de généraliser comme une loi "universelle ", valable à toute époque .
Ainsi validées comme des lois "locales" ( propres à notre environnement
temporel et spatial ) , les lois physiques n'en restent pas moins des lois qui
n'ont pas d'exception à notre échelle de lieu et de temps .
Mais passons à une autre échelle de lieu , dans le domaine de "l'infiniment
petit" ; ce domaine est celui où s'applique la physique quantique : là , tout est
du domaine des probabilités , c'est à dire qu'à cette échelle , tout est du
domaine de l'exception ; un phénomène se manifeste par exemple avec une
probabilité de 80% , c'est à dire avec 20% d'exceptions .
Un exemple est celui de "l'effet tunnel" qui se passe en particulier au centre du
soleil pour produire l'énergie qu'il dispense . Le soleil est essentiellement une
boule d'hydrogène qu'il transforme par des réactions de fusions nucléaires en
hélium Chaque seconde , c'est environ 620 millions de tonnes d'hydrogène qui
se transforment en 615 millions de tonnes d'hélium , la différence de 5 millions
de tonnes étant de la masse qui se transforme en énergie ( E = mc^2) .
Actuellement ces réactions ont produit environ 25% de la masse solaire en
hélium , il reste encore les 3/4 de la masse solaire comme combustible ...
On est tranquille pour quelques temps...
Or , à la température centrale du soleil , ces réactions seraient impossibles ,
deux protons H chargés chacun négativement ne pouvant que se repousser .
Pour fusionner , il faudrait qu'ils entrent pratiquement au contact l'un de l'autre
et qu'alors l'interaction forte qui "colle" les particules puisse agir . Franchir la
barrière qui les repousse étant "impossible" , que font les deux protons pour
se rapprocher et fusionner grâce à l'interaction forte ? Ils "creusent" un
tunnel dans la barrière séparatrice ! Ce phénomène d'effet tunnel est un des
multiples exemples des exceptions qui jalonnent les lois de la physique
quantique : sa probabilité est très faible , mais multipliée par l'innombrable
quantité de protons en présence , il se produit quand même ( et avec lui 615
millions de tonnes d'hélium par seconde au coeur du soleil !). Ainsi , tout
est une question d'échelle ( de lieu , de temps , de domaine examiné où se
font les observations ).
Prenons un autre exemple :
Les systèmes qu'on appelle chaotiques sont des systèmes physiques
extrêmement sensibles au conditions locales ( conditions "initiales") , où la
moindre modification des conditions locales peut avoir de très importantes
conséquences . Ainsi en est-il dans le domaine des prévisions
météorologiques : de très minimes fluctuations ( non mesurables par les
instruments de météo ) peuvent entraîner des changements très importants
du climat , ce qui rend ces prévisions météo aléatoires au-delà d'un certain
temps . Cependant , ces systèmes chaotiques admettent souvent des
"attracteurs" , qui sont des zones vers lesquelles le système peut converger
au bout d'un certain temps . Dans les domaines météorologiques , cet
"attracteur" est le climat d'une région .On connaît bien ces climats régionaux ,
les climats océanique , continental , méditerranéen sont bien identifiés , les
caractéristiques bien établies . Ainsi , si les prévisions météo à l'ordre d'une
quinzaine de jours sont dans la pratique impossibles à réaliser , des
prévisions moyennes sur le long terme sont assez accessibles : en été il
fera très chaud en climat continental , mais et il pourra y avoir de très gros
orages , par exemple .
Là encore , tout est une question d'échelle , ici c'est une échelle de temps ,
des lois peuvent avoir un grand nombres "d'exceptions" à une certaine
échelle de quelques jours , beaucoup moins à une autre échelle .
En définitive , rien n'est définitif ..tout est une question de localité , de lieu
de temps , une question d'échelle d'observation , voire d'équilibre entre des
forces "contraires" comme indiqué dans un article précédent .
Sans oublier , non plus , que les "lois" décrivant un phénomène peuvent
ne pas être uniques ( cf article sur la "sous détermination de la théorie par
l'expérience") , et que ces "lois" sont essentiellement à vocation prédictive ..
"Vérités" dans "l'infiniment petit" , erreurs ailleurs ...et réciproquement !
phirey@free.fr