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Tout ce qui est vrai est du tenu-pour-vrai ( Wittgenstein , De la certitude )

 

Si tout ce qui est vrai est du tenu pour vrai ,

ne resterait-il rien , il resterait toujours

l'hypothèse légère à la grâce azurée

délivrée de frontière et d'interdit de cour

 

Il resterait toujours l'irrépressible envie

d'élargir le sensé à ce qui est sensible

et d'aller au-delà des savoirs in-finis

dans un étonnement de candeur et de givre

 

Il resterait toujours l'irrépressible envie

de sortir des routes de certaines déroutes

et d'aller par les jours percés dans le tamis

du quotidien vers les étoiles et leur voute

 

Il resterait toujours d'effleurer du regard ,

incertain troubadour , les mémoires du temps

que les soirs préfacent aux soiries dont ils parent

les archives des jours de leurs longs doigts tremblants

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au-delà du bien et du mal

Mison , interrogé de quoi il riait tout seul : " de ce que je ris tout seul " répondit-il (Montaigne ,  Les essais , III , 8 )

Qu'est-ce qu'une vérité ? Une multitude mouvante de métaphores , de métonymies , d'anthropomorphismes , bref , une somme de relations humaines qui ont été rehaussées , transposées et ornées par la poésie et la rhétorique et qui après un long usage paraissent établies , canoniques , contraignantes aux yeux du peuple ; les vérités sont des illusions dont on a oublié qu'elles sont des métaphores usées qui ont perdu leur force sensible ( Nietzsche , Vérité et mensonge au sens extramoral )

Niels Bohr : Le contraire d'une vérité profonde est une autre vérité profonde

Wittgenstein : Tout ce qui est vrai est du tenu-pour-vrai

Montaigne : Quelle vérité que ces montagnes bornent , qui est mensonge au monde qui se tient au-delà ?

 

Voilà ce qui peut illustrer ce que j'ai appelé "principe de Peter des principes" dans l'article précédent ( tout principe finit par atteindre son niveau "d'incompétence" ) .

Quand on a avancé assez loin dans la voie d'un principe pour constater que son absolutisme conduit à son niveau d'absurdité ou d'intégrisme "dur" , que fait-on ? Quelles conséquences peut-on en tirer ?

On peut alors s'intéresser aux chemins proposés par les uns pour continuer la promenade dans ce no man's land de principes .

Si toute vérité est du tenu-pour-vrai , comme le dit W , quelles conséquences pratiques pour ces auteurs ?

1- D'abord pour Wittgenstein , on en arrive au domaine de l'indicible , qui reste donc d'un abord strictement personnel : " à propos de ce dont on ne peut parler , il vaut mieux garder le silence " , dit-il ; et de préciser quelques lignes avant dans le "Tractatus" : si vous avez déjà appris à marcher en suivant mes remarques , estimez-vous déjà heureux , et continuez donc la promenade tout seul hors des sentiers battus maintenant que vous en avez la possibilité .

Dont acte . Fermez le ban . Mais comme la "Diagonale du fou" vient de se terminer à la Réunion , on peut aissi songer à se reposer un peu après 166 km d'efforts ou plus de cent pages du Tractatus .

 

2 – Montaigne , Lao Tseu , Socrate , voire Héraclite , sont ensuite sur des options assez semblables : Montaigne peut être leur "porte-parole" quand il dit :

( Le sage / le saint / le chercheur ) " est une carte blanche préparée à prendre du doigt de Dieu telles formes qu'il lui plaira y graver" ( II , 12 , 145 )

Bien sûr , la terminologie n'est pas la même : Socrate a son daïmone , son "ange gardien" , son "génie", cet esprit qui lui parle , le conseille , qui communique avec lui dans une sorte d'illumination mystérieuse , voire mystique  ;

Lao Tseu évoque le Tao , source et Voie originelle de toute chose agissant par l'intermédiaire du yin et du yang pour instaurer en permanence de nouveaux équilibres ; pour Héraclite , c'est le Feu qui est fondateur de toutes choses ( on pourrait traduire par énergie consciente ) , lorsqu'il est dans une phase "descendante" , créative :  et , dit-il "le chemin du bas ( de la création ) et le chemin du haut ( du retour au Feu ) , sont un seul et même chemin " ( une seule et même Voie dans le vocable de Lao Tseu ) .

Mais pour tous , il s'agit essentiellement d'effacer les écrans qui encombrent nos visions , et d'être au plus près de la source inspiratrice de toutes choses , de son élan , de son souffle .

On pourrait pour conclure brièvement cette très courte note , citer Conche , à propos de Montaigne

"Montaigne a pris conscience de l'impossibilité de fonder , par la seule voie que connaisse la philosophie ( celle de la justification par la raison ) une vérité quelconque au sujet de la nature de l'homme . Il n'y a pas de vérité sur l'homme accessible à l'homme . Il n'est pas possible de dépasser ici le domaine de l'opinion ( M ou la conscience heureuse , p 42 )

Et donc , méfiance vis à vis de la raison et de toute forme d'absolutisme et de sanctuarisation des principes

3 ) Une troisième voie fut ouverte par le génie mathématique de Gödell dans les années 1930 ; Gödell démontre dans ses fameux théorèmes que les vérités mathématiques ne sont pas toutes démontrables , ( seul un "petit" nombre le sont ) et que la cohérence logique d'un système ne peut pas être prouvée en restant dans le cadre du système lui-même .

Pour faire (très) court , disons qu'en mathématiques , comme dans tout autre domaine de réflexion , il y a d'abord un champ d'hypothèses , d'axiomes de base , qui assurent les fondations de l'édifice ;

il y a ensuite les règles de calcul , de logique , d'inférence ... qui permettent à partir des briques de base de construire l' édifice .

Ce procédé , à peu prés général à tous les domaines de réflexion , a des limites strictes ( ce que Gödell a démontré dans le champ mathématique ) , ce que j'ai appelé principie de Peter "ultime" ( tout principe , toute théorie , finit par atteindre son niveau d'incompétence ) : la raison , le "raisonnable " , a ses limites strictes ; découper le vivant en une multitude de sous-segments pour établir des frontières d'autant plus intangibles qu'elles sont artificielles et n'existent souvent que dans la tête de leurs concepteurs ........... est une tentative peut-être louable dans certains cas , mais pas assez général ... il faut tendre vers un domaine de conscience plus élargi , plus général , plus global

(De plus , ce qui est gênant tout de même , est que toute les "vérités" ainsi établies sont strictement dépendantes des axiomes choisis .....)

Comme pourrait le dire W , on a appris à marcher hors des sentiers battus , marchons .... en silence !

Ou comme le préconise Nietzsche , allons "au-delà du bien et du mal" .... , vers un domaine de conscience échappant à la dichotomie simpliste des frontières .

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In memoriam 3 ( mode Haïku )

Pour mieux se connaître il faut

savoir élargir ses frontières ,

Si tant est qu'à ce point il n'est

plus qu'à savoir s'oublier

 

Dans le silence qui investissait l'espace

seul un chuchotement osait troubler l'instant

 

A l'ourlet des clapots le saule vacillait

des rayons du soleil qui l'éclaboussait d'or

 

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" De magna principia "

" Des ( grands ) principes "

 

Les valeurs de respect , de bienveillance , d'honnèteté , d'altruisme , d'éducation , de solidarité , ......

sont des valeurs références des sociétés progressistes , et que chacun partage , dans une large mesure .

Tout principe "général" est ainsi "généralement" adopté par ( presque ) tout le monde , dans une société donnée :

Notons cependant que le " niveau " d'adhésion à ces principes peut varier d'une personne à l'autre .

 

Observons ensuite que derrière ces principes qui servent d'écrans consensuels , se cachent des pratiques qui peuvent être très différentes , sans que cela soit nécessairement très conscient dans les consciences individuelles .

Un "certain" degré d'hypocrisie peut d'ailleurs s'observer chez ceux qui " consciemment " utilisent un certain nombre de principes à des fins plus ou moins mercantiles :

"l'honneur " est mis en avant dans quelques groupes qui en profitent pour faire des réglements de compte , à l'occasion , en cas de "manquement "à ses règles ;

l'émancipation et le progrés sont des étendards brandis par d'aucuns d'une main , et qui de l'autre agissent de façon "quelque peu " différentes ( ce ne sont pas les exemples actuels qui manquent ) ;

le mieux est l'ennemi du bien : on le voit dans les réformes successives de l'Education nationale ( ou d'autres ministères ) , où de réformes en réformes pour "améliorer l'existant " , on en arrive à des dégradations qui légitiment de "nouvelles" réformes , qui produisent à leur tour des effets légitimant "d'autres nouvelles réformes " ( la mécanique est bien huilée .... et avec ça , l'ascenseur social se grippe de plus en plus ... ) ...

 

Mais arrêtons là une liste potentiellement interminable , pour en arriver à un autre élément d'observation que nous pourrions formuler par :

" Tout principe , poussé à ses extrémités , aboutit à des absurdités " et qu'on peut encore appeler "principe ultime de Peter"  ( principe de Peter pour les principes )

Le sens commun confirme le fait :

"Liberté , que de crimes commis ton nom !" dit une citation devenue proverbiale ; " la liberté de l'un finit où commence celle de l'autre " prévient la seconde ; " l'excés en tout est un défaut " dit-on aussi , et pour finir " il y a les exceptions qui confirment la règle " , dernier garde-fou à l'absolutisme d'un principe .

Ainsi poussé à cet absolutisme , un principe aussi devient un facteur d'intégrisme : il y a des intégristes "judiciaires " , querelleurs qui plaident à tous propos ; des intégristes de l'ortho-doxie qui n'en sont pas à un para-doxe prés d'ailleurs ( en politique , en religion , en économie , etc , etc , ...) ;l'intégrisme du bobo branché qui n'écoute que sa boboïtude pour "ringardiser " ceux qui ne sont pas de son avis ; l'intégrisme de celui qui se croit obligé d'avoir un avis sur tout et jette un regard condescendant sur celui qui revendique le droit contraire ; l'intégrisme de celui qui est convaincu que le champ du discours est un chant de pouvoir et qu'il lui faut se dépêcher d'occuper précipitamment tout l'espace ; l'intégrisme " communicatoire " qui confine au précédent , etc....etc....etc .

 

On en vient en abrégeant beaucoup au dernier propos de Wittgenstein en conclusion de quelques cent pages du "Tractatus" :

" A propos de ce dont on ne peut pas parler , il vaut mieux garder le silence "

et à l'avant dernier :

" Mes propositions sont clarificatrices , en ce sens que celui qui les comprend les reconnaît à la fin pour des non-sens . Si , passant par elles , au-delà d'elles , il est monté pour en sortir ....... alors il voit le monde de manière plus juste "

Pour résumer la parole du "Maître" , disons qu'à force d'agiter des principes dont chacun atteint trés vite son niveau "d'incompétence" ( alors , à plusieurs , pensez donc ) , on en arrive à un moment où la raison humaine à ses limites ( ses non-sens , dit Wittgenstein ) , et qu'il vaut mieux alors observer un certain silence , pour essayer d'avoir une vue plus globale  du monde .

Dépasser le rationalisme pour aboutir en quelque sorte à un "supra-rationalisme" , une vision plus globale , équilibrée et juste du monde ( sans tomber , en contestant le rationalisme , dans un absolutisme "infra-rationnel" du noyé qui s'accroche à sa branche ) , par la poésie parmi tant d'autres ( poïeo veut dire faire , créer , en grec ancien , d'où est issu poète ) , pourrait être l'ébauche d'une esquisse .

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In memoriam 2

Où l'intelligence

n'est pas dans les stances

ni dans les instances

mais dans les circonstances

 

ni dans les slogans

et les paravents

ni dans les écrans

mais aux bords du temps

 

aux moindres accents

d'un premier élan

aux moindres ferments

de ceps en serments

 

Où la culture est

l'harmonie qui naît

de l'humus secret

des terres oubliées

 

de ce qui se lève

des matins aux rêves

puisé dans la sève

d'une longue trêve

 

aux bleus qui scintillent

des nuits des myrtilles

aux jours qui vacillent

des bleus de la scille

 

aux jeux des croisées

où vont les buées

de l'air inspiré

dans le ciel voguer

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