Derrière ce mot barbare crée par Barthes en 1982 , se cache une catégorie de mots dont la racine a pu évoluer dans un sens pour certains , et dans le sens contraire pour d'autres ; c'est tout de même assez curieux et cela vaut un petit détour .
1) Vous "remerciez" quelqu'un : à priori , c'est positif et signe de reconnaissance ; mais vous le remerciez en le mettant à la porte : c'est négatif , et pas "vraiment" un signe de reconnaissance !
2) le mot "profondeur" est un mot qui dans un premier temps désigne une direction vers le bas , vers le fond ; mais changement de direction : la profondeur de la vue est à l'horizontale ou vers le haut , et la "profondeur" du ciel est totalement vers le haut ....
3)Le mot "res" en latin veut dire une "chose" : la res publica est la chose publique par exemple ; mais , fait assez curieux , un mot français qui s'en déduit est ....."rien" !....Suivant la tournure de la racine , c'est une chose ou c'est rien !
4) Le mot "survivre" est à l'exact opposé des éléments qui le composent : c'est bien "sous-vivre" qu'il faut comprendre ! C'est ici un cas assez exceptionnel où "sur" est pris au sens de "sous"...Comment un tel retournement est-il possible ?
En fait , survivre à quelqu'un est vivre "après" , donc "au-dessus" du temps de cette personne , ce qui est généralement ressenti avec douleur , et conduit à cet aspect de "sous-vivre" , de vivre avec difficulté .
5) Le mot "jachère" vient de l'ancien français "jaschere" (labourer) , lui-même descendant du mot gaulois " gansko" ( araire , branche ) : le moins que l'on puisse dire est qu'un terrain en jachère ( plutôt en friche ) n'est pas "vraiment" un terrain labouré !
Comment le sens s'est retourné ? : En fait , un terrain en jachère est un terrain qu'on laisse reposer , mais pour le labourer plus tard ... c'est une terre à labourer ...mais pour plus tard !
6) Le mot Skolé en grec ancien ( d'où provient le mot "école" ) ne veut pas "vraiment" dire travailler , comme on le fait à l'école .... il veut dire "repos , temps libre" , puis accessoirement "temps libre que l'on consacre à se cultiver " . Le travail était à l'époque quelque chose de pénible physiquement , seuls quelques privilégiés qui avaient du temps d'oisiveté pouvaient aller à l'école !
7) Cet exemple vient maintenant de Freüd : En allemand , "kleben" veut dire "coller" , et en anglais le mot qui correspond avec la même racine est " cleave" (fendre) ; le français donne sur la même racine "clivant" .....De la même racine , on recolle ou on sépare ¨!
En fait , on peut comprendre que pour "re"coller quelque chose , il faut qu'il y ait eu une séparation préalable .
8) Toujours d'après Freüd , en égyptien , le mot "ken" voulait dire à la fois "fort" ou "faible" selon le contexte , ce qu'on peut "logiquement" interpréter en considérant que le mot désignait un concept qui correspondait à une "certaine" capacité énergétique , qui était alors évaluée en positif ou en...... "moins positif" .
9) Une liste se terminant "nécessairement" à dix , venons-en à l'avant dernier exemple . Pour changer de registre , prenons les préfixes :
Le préfixe "per" en latin a donné "per" ou "par" en français : ainsi "parfait" vient du latin "perfectus" ( fait de façon parfaite , c'est à dire "plus" que mieux !)
En revanche , per ne veut pas toujours correspondre à très bien : ainsi , dans le latin "perire" , soit "per-ire" ( òu ire veut dire aller ) , on ne peut pas dire que cela aille trés bien , cela va même franchement de "travers" ( perire a donné le français périr ) .
Quant.à "per-pendiculaire" , le mot veut dire étymologiquement " qui pend bien " donc qui est perpendiculaire au sol ! C'est quelque chose qui ne va pas "de travers" , qui est bien dans la norme , qui est droit ( comme l'angle du même nom)
10) Un petit dernier :Le préfixe "in" en français est-il toujours privatif ?
Inflexible ...n'est pas flexible , inabordable n'est pas abordable , insoumis n'est pas soumis , etc .....etc.... Mais inflammable ? Au contraire , là , le in n'est pas négatif , mais a un effet d'augmentation ..... Le "in" correspond ici à "en" et le mot veut dire "enflammable" , le "in" a un aspect positif .
Et "ininflammable" ? Là , ça se complique !Le premier "in" est positif , le deuxième négatif ¨!
Ce n'est pas une double négation , qui aurait donné un "plus" , mais un plus suivi d'un moins qui donne un moins . C'est mathématique !
Article d'étymologie ? De miroitement des mots ? C'est presque de la poésie ! Mettre des frontières est souvent difficile , voire arbitraire .....Allons pour "étymologie"