Ces 4 racines principales pour "bruler" attestent de l'importance du feu dans
les pratiques journalières des premières sociétés , et des fortes
ramifications de ses incidences dans la vie des populations .
1) La racine "ai-dh" a donné les mots latins aestus ( chaleur ,
bouillonnement) , et aestas ( l'été) , qui en français ont donné la
famille des mots d'été ( été , estivant , estival , estiver ...) mais
aussi estuaire , estran , étier , étiage :
L'estran est la bande de terre découverte par la marée basse , la zone
de battement de cette marée , sens que le mot estuaire avait à l'origine
( soit aestuarium en latin) : le rapport avec la chaleur et le
bouillonnement ? Le bouillonnement de la marée ..
Etier est le canal conduisant l'eau de mer dans les marais salants ,
"étiage" est le niveau d'été d'une rivière .
On retrouve ensuite cette racine dans Aetna ( puis Etna en français ) ,
aether ( puis ether en français) .
Une autre bifurcation de cette racine s'observe dans les mots latins
aedes ( maison , temple , c'est à dire "place avec un foyer") ,
aedificatio ( édification) , aedilis ( personne chargée des bâtiments
publics) , qui ont donnés en français :
édifice , édifier , édifiant , édification ... puis édile ( dont la
fonction s'est élargie depuis la gestion originelle des bâtiments
publics...) .
2) La deuxième racine est "eus" qui conduit aussi bien à urticaire et
ortie , qu'à combustion et bruler .
Le "s" qui se transforme en "r" en latin est appelé un phénomène de
rotacisme très classique : le verbe primitif était "uso" , qui s'est
transformé en uro ( participe passé ustus) : bruler .
D'où urticaire , ortie (urtica en latin) , urticant , .., puis les mots
utilisant le radical "ur" de uro , comme comburant , ou "ust" , comme
combustible , combustion , ..
Le passage à "bruler" est un peu plus compliqué :
le radical est per+uro ( bruler de part en part) , transformé en
perustare puis prustare ( italien bruciare : bruler), puis en diminutif
prustolare , devenu brustlar et enfin brûler ( et par réforme
grammaticale de 1990 : bruler !) ..
3) troisième racine : "keu" , de caustique à encaustique , de encre à
ink en anglais , de holocauste à chômer ....
Là , l'origine des mots français est essentiellement le grec :
soit kaio(bruler) , kausticus (brulant) , kauma ( chaleur) ...qui ont
donné caustique ( voire soude "caustique") , holocauste ( on brulait
l'offrande aux dieux ) , et... calma ( mer calme par forte chaleur)
puis calme ...
Quand il fait chaud , la mer est calme ... mais aussi on se repose :
d'où la "chôme" des troupeaux de moutons par temps de fortes chaleurs ,
, chômer , chômage .
Le passage à encaustique et à encre correspondait à la fabrication des
couleurs dans l'antiquité : là , il s'agit du procédé de brulure de
certains coquillages (par exemple des Murex) , qui donnait un pourpre
plus ou moins sombre ; mélangé à l'eau , la poudre donnait une teinture
de coloration : l'encre pourpre ( sacrum encaustum , réservée à
l'empereur) , ou les teintures des toges des hauts responsables , voire
ensuite la pourpre "cardinalice" ( le procédé coûtait très cher ..).
Puis "encaustum" en devenu encre ( ink en anglais).
Les procédés de coloration se développant , on utilisa la cire pour
certaines techniques de peintures : cela devint "l'encaustique".
4)quatrième racine pour bruler : "ker" , de carbone à crémation , de
charbon à céramique .
En grec , keramos veut dire argile , poterie : l'usage du feu est ici
tourné vers les fours à cuisson de l'argile .
En français , c'est l'origine de "céramique"
En latin , la racine a donné carbo (braise , charbon de bois) ,le verbe
cremo (bruler) : d'où en français : carbone , charbon , carbure , ...
carburant , crémation ...
L'usage de ces 4 racines n'épuise pas le lot des racines indo
européennes qui signifient "bruler" , mais il s'agit ici de 4 des
racines principales conduisant à ce concept .
On voit déjà , sur cette base , toute la diversification qui est
intervenue sur l'usage et la création des mots , de "édifice" à
"encre" , en passant par céramique , charbon , chômage , caustique
ou encaustique , de l'été à l'estuaire ....